AG2R La Mondiale : Un engagement environnemental en trompe-l’œil ?

Dans un contexte où la durabilité devient un enjeu majeur pour les entreprises, le rapport d’AG2R La Mondiale révèle un décalage significatif entre les ambitions affichées et les actions concrètes mises en œuvre, particulièrement en matière environnementale. C’est ce que montre le dernier rapport de durabilité.

Qu’est ce que le rapport de durabilité ?

Le rapport sur le développement durable, également appelé rapport de durabilité, est le document que les entreprises utilisent pour communiquer leurs performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) aux parties prenantes, telles que les investisseurs, les clients, les employés et les fournisseurs. Ce type de rapport permet aux entreprises de montrer leur engagement à promouvoir des pratiques durables et responsables, et de mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de leurs objectifs de développement durable. Le rapport de développement durable couvre un large éventail de sujets, notamment :

  • la réduction de l’impact environnemental,
  • le respect des droits de l’homme,
  • la promotion de conditions de travail équitables et sûres,
  • ainsi qu’une gestion transparente et responsable de l’entreprise.

L’objectif du rapport de répondre au besoin croissant de données extra-financières exprimé par les institutions financières, qui les utilisent dans leurs décisions d’investissement, dans leur politique de gestion des risques, ainsi que par les autres parties prenantes, dont les clients, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Il s’agit d’identifier les impacts, risques et opportunités (analyse de matérialité) liés aux enjeux climatiques.

Ce rapport remplace la déclaration de performance extra-financière (DPEF), l’état de durabilité devant être certifié par un Organisme Tiers Indépendant (OTI).

A la manière des obligations comptables qui pèsent sur les entreprises, dont la finalité est de “donner une image fidèle” de leur patrimoine et de leur résultat, l’état de durabilité a pour but d’objectiver et de faire connaître le fonctionnement de l’entreprise sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Concrètement, cela permettra d’orienter les investissements, les aides publiques, les besoins de main d’œuvre, l’action du législateur, de comparer les entreprises sur les efforts entrepris…

Le risque de cette logique déclarative réside dans une stratégie qui serait axée sur la satisfaction de remplir des indicateurs, quitte à suivre des démarches artificielles, plutôt que sur la mise en place d’actions concrètes qui seraient réellement vertueuses… à l’instar du green et social washing…

Comment les représentants du personnel sont consultés sur ce rapport ?

Dans un premier temps, le CSE est consulté sur la forme du rapport, les indicateurs choisis et les profondeurs des analyses. C’était l’objet de la consultation du 22 mai.

Ensuite, des consultations sur le fond seront organisées dans le cadre de chacune des 3 consultations récurrentes portant sur :

  • les orientations stratégiques de l’entreprise ;
  • la situation économique et financière de l’entreprise ;
  • la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Analyse Critique du Rapport de Durabilité AG2R LA MONDIALE

Points Forts

  • Structure méthodologique rigoureuse avec une analyse de double matérialité couvrant plus de 400 éléments (impacts, risques et opportunités)
  • Gouvernance claire avec un comité de pilotage impliquant la direction générale
  • Approche transparente sur l’état d’avancement (90% de complétion)
  • Inclusion d’audits externes par des commissaires aux comptes

Points de Vigilance

  • Périmètre incomplet avec l’exclusion des institutions de retraite complémentaire qui pourrait limiter la vision globale de l’impact du groupe
  • Données quantitatives non définitives au stade actuel du rapport
  • Absence de pratiques de référence pour les groupes mixtes (activités financières et non financières)

Limites identifiées

  • Manque de précision sur les seuils de matérialité, particulièrement pour les activités financières
  • Horizon temporel limité à 10 ans maximum, potentiellement insuffisant pour certains enjeux de durabilité
  • Absence d’analyse sur certains thèmes importants (biodiversité, économie circulaire, ressources aquatiques)

Rémunérations des dirigeants

D’après l’état de durabilité de la SGAM AG2R LA MONDIALE, voici les principaux éléments concernant la rémunération des dirigeants :

La politique de rémunération intègre des objectifs en matière de durabilité pour le Directeur général et les membres du Comité de direction groupe.

Ces objectifs sont liés aux priorités du plan d’entreprise 23-25, notamment :

  • La satisfaction client
  • L’engagement des salariés
  • L’ambition en matière de systèmes d’information et de digital
  • L’accessibilité des produits

D’autres objectifs concernent :

  • La conformité
  • L’environnement (déploiement du plan de sobriété énergétique et publication des informations requises sur la durabilité)

Ces objectifs sont évalués qualitativement, sans cibles quantitatives précises ni pondération spécifique entre les objectifs de durabilité et les autres objectifs.

Le Comité des rémunérations de l’Association sommitale supervise ces dispositions.

💡

Pour la CFDT, l’opacité dans le système de rémunération et d’avantages sociaux des dirigeants, opacité entretenue par la création d’un GIE spécifique La Mondiale Executive est un risque non identifié.

Gouvernance

Le document décrit les éléments suivants relatifs à la gouvernance :

  • Le Conseil d’administration est composé de 30 administrateurs non exécutifs
  • Il comprend 22 hommes et 7 femmes (un siège vacant), soit un ratio de mixité de 31,8%Le Conseil dispose de trois comités spécialisés qui supervisent notamment :
  • Les investissements
  • L’audit et les comptes
  • Les risques, l’actuariat et la conformité

La Direction générale :

  • Saisit le Conseil d’administration sur les questions de durabilité
  • N’a pas délégué l’intégralité de ces sujets à un Comité de direction spécifique – chaque membre du Comité de Direction est responsable selon son périmètre

Le suivi des impacts, risques et opportunités se fait principalement via :

  • Un tableau de bord intégré actualisé trimestriellement ou annuellement
  • Un dispositif de suivi des feuilles de route des directions

💡

Pour la CFDT, le risque de manque d’expertise des administrateurs pour comprendre, interpréter et agir sur des sujets très techniques n’a pas été relevé. La nécessité d’accompagner les administrateurs dans ces missions, nécessité soulignée par le nouvel accord ANI n’a pas été mise en avant.

Régionalisation

Le rapport de durabilité montre l’engagement d’AG2R LA MONDIALE en matière de régionalisation à travers les éléments suivants :

  • La présence territoriale se concentre principalement en France hexagonale et dans les territoires ultramarins, avec une présence limitée dans quelques pays européens (Luxembourg, Italie)
  • L’organisation comprend des territoires avec des administrateurs territoriaux et des délégués des sociétaires élus par groupements géographiques
  • Le groupe organise des « Territoriales », des moments d’échange avec les administrateurs et délégués des sociétaires sur l’actualité d’AG2R LA MONDIALE et les attentes des territoires

💡 Pour la CFDT, le risque de déconnection de la gouvernance nationale avec les régions n’est pas cité. Le rapport fait mention de territoriales qui sont des moments d’échange avec les délégués dans les régions, mais le lien politique entre la gouvernance et les régions n’existe plus. Comment peut-on affirmer “Les solidarités et les territoires participent également à l’ambition de la raison d’être, celle de renforcer le vivre ensemble. “ sans définir que les administrateurs dans les territoires sont les premiers constructeurs de cette solidarité et les premiers relais de cette politique ?

Avis de la CFDT

En conclusion, pour améliorer ce rapport, la CFDT souhaite un élargissement du périmètre d’analyse, le développement d’indicateurs spécifiques pour les activités financières, le renforcement de l’analyse environnementale et l’extension de l’horizon temporel. Ce premier rapport nécessite des améliorations substantielles pour offrir une vision exhaustive de la performance en matière de durabilité du groupe.

Même si la CFDT considère qu’il s’agit d’une base solide pour un premier exercice, les améliorations indispensables la conduisent à rendre un avis d’abstention.

L’avis rendu par la CFDT sur le rapport de durabilité porte sur la forme du document et sur ses éléments d’analyse, la consultation portant sur les informations fournies par l’employeur en matière de durabilité, ainsi que sur les moyens de les obtenir et de les vérifier. Sur les actions du groupe mises en oeuvre pour assurer la durabilité, l’avis de la CFDT, qui s’exprimera lors des consultations sur la situation économique, la politique sociale et la stratégie de l’entreprise, est critique. Il est évident que le développement durable fait face aujourd’hui à un déséquilibre en ce qui concerne ses trois principaux piliers, les piliers économique, social et environnemental.

Pour le groupe AG2R La MONDIALE, la CFDT considère que ce dernier pilier, l’environnemental, est le moins pris en compte, notamment parce que peu d’objectifs chiffrés ambitieux ont été fixés et que peu d’actions concrètes ont été entreprises.

En effet les actions décidées pour réduire les impacts sur le changement climatique se déclinent sous la forme d’une politique climat qui vise à réduire la température implicite des portefeuilles d’investissements à 2,5°C d’ici 2030, d’un plan de sobriété énergétique qui fixe des objectifs de réduction des consommations d’énergie à l’horizon 2025 et des exclusions programmées dans les investissements pour les entreprises actives dans les énergies fossiles. Or, jusqu’à cette année, les actions concrètes se sont limitées à :

  • l’optimisation des surfaces d’exploitation avec déploiement du Flex Office
  • la modification des consignes de température en hiver et en été
  • des campagnes de sensibilisation aux écogestes et fresques du climat
  • une formation sélective à l’audit de la norme ISO 50001 (gestion de l’énergie)

Pour l’après 2025, les seules actions programmées sont :

  • un groupe de travail sur la sobriété dans les achats
  • un groupe de travail dédié aux déplacements
  • un groupe de travail sur le numérique responsable

Les principaux leviers de décarbonation compris dans le plan de sobriété concernent donc les consommations d’énergie, les dépenses d’achats, et les déplacements (domicile-travail et professionnels), sans que beaucoup d’actions soient déclinées. Notamment, la CFDT note que si les déplacements constituent la troisième source la plus importante d’émissions de gaz à effet de serre, ils ne font pas l’objet d’une analyse spécifique dans le rapport. Ils ne font surtout pas l’objet de mesures spécifiques, malgré les demandes répétées des organisations syndicales pour organiser un plan de transition vers des mobilités travail/ domicile plus durables.

Pour conclure, la CFDT pense que si le changement climatique est une menace très grave pour l’avenir de l’humanité et de la bio diversité, le principal outil pour le combattre est l’intelligence collective. Pour utiliser cet outil, plusieurs préalables sont indispensables comme l’information générale sur les situations, le débat sur l’analyse des solutions, l’acceptation des décisions prises. C’est pourquoi, dans un souci de transparence et de co reflexion, la CFDT demande que soit créé au sein d’une CSE une commission spécifique environnement dans laquelle pourrait intervenir des membres de la direction concernés.

Cette commission trouve son sens depuis la loi du 22 août 2021 portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets .

Elle permettrait de mener des travaux sur lesquels viendront s’appuyer les élus du CSE lors des consultations annuelles et de mener des actions de sensibilisation.

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On ne peut pas dire n importe quoi
On ne peut pas dire n importe quoi
21 jours il y a

Messieurs et mesdames du syndicat CFDT d’AG2R, merci de vous concentrer sur vos missions. Elles devraient largement suffire à vous occuper. Administrateur du groupe, je n apprécie guère vos commentaires sur le manque d expertise de mes pairs et moi même. J’en ferai part au vice président de la Sommitale qui est Cfdt. Il sera ravi d être mis en cause par ses propres troupes. Je tiens à vous informer que les administrateurs sont dans l obligation de suivre des formations, dispensées en interne ou en externe. Avant d’ecrire de telles absurdités et d’en faire la publicitè mensongère pour les lecteurs que vous dupez, prenez le temps de vérifier vos informations. Le monde a versé dans la simplicité et les raccourcis pour satisfaire le tout venant, futur électeur potentiel. Votre responsabilitè éditoriale est de prendre le contre pied de ces facilités. Je conclurai en soulignant que votre avis demande des éléments contraires à la législation. Mais ce n est que la remarque d’un non expert. A bon entendeur.