Le 12 décembre, le CSE a été invité à rendre son avis sur la stratégie du groupe, avis qui a été envoyé au Conseil d’Administration.
Les élus CFDT CGT CFE-CGC UNSA et Sud Solidaires du CSE de l’UES AG2R sont consultés sur les orientations stratégiques de l’entreprise et les conséquences du déploiement de la stratégie de l’entreprise sur l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, aux contrats temporaires et aux stages.
Nous prenons acte des orientations stratégiques présentées par la direction pour 2026 et au-delà, et remercions l’expert du CSE, Secafi, pour son rapport sur le plan stratégique sur lequel est basé cet avis.
Cette année se distingue des précédentes de par la volonté du groupe de dissocier un plan stratégique de 6 ans et un plan d’entreprise de 3 ans. En conséquence, les élus du CSE ne disposeront d’une vision opérationnelle des orientations et de leurs impacts sur l’emploi, les métiers et les compétences qu’au cours du 1er semestre 2026. Pour s’adapter à ce nouveau calendrier, la consultation du CSE sur les orientations stratégiques 2026 sera centrée sur l’analyse des feuilles de route métier et devra intervenir rapidement, au plus tard à la fin du 1er semestre.
Bilan de « Nouvelle donne »
Les élus souhaitent faire part de leur étonnement sur le fait de devoir se projeter dans un nouveau plan stratégique sans avoir pu totalement prendre connaissance d’un bilan et d’une analyse détaillés du plan d’entreprise précédent, « nouvelle donne », qui s’achève fin 2025. Construire sans prendre le temps d’analyser le passé, c’est risquer de répéter les mêmes erreurs. Nous restons dans l’attente d’un vrai bilan au cours du premier semestre 2026, les nombreux échanges de la commission ayant été écourtés par un timing horaire serré.
Nous constatons :
- La solidité financière du groupe avec une solvabilité de 177% (1er semestre 2025), et un excédent de fonds propres prudentiels de 4,3 Md€, pourraient constituer un socle rassurant pour l’avenir. Toutefois le ratio de solvabilité, associé à un endettement qui représente 1/3 des fonds propres, peut aussi être vu comme un point fragile de vigilance ;
- Le redressement d’AG2R Prévoyance, plus rapide que prévu, avec un résultat courant 1er semestre 2025 de 28 M€, au-dessus des objectifs du plan, et en avance de 23M d’euros par rapport au prévisionnel. Les élus remarquent favorablement que l’un des objectifs majeurs du plan « rétablir l’équilibre économique d’AG2R », est en passe d’être atteint ;
- Les ambitions des projets de plateformisation et de la transformation digitale, nécessaires pour rester compétitifs ;
- La collecte nette en épargne positive et la signature d’un certain nombre de partenariats. Toutefois, la stratégie de collecte dynamique, menée en environnement de taux bas, a contribué à « appauvrir » La Mondiale et réduire ses marges de manœuvre financières futures ;
- Le renforcement du schéma prudentiel du groupe avec la création d’une société de réassurance interne ;
- La mise en conformité du schéma de distribution du groupe avec l’inscription à l’ORIAS du GIE AG2R et La Mondiale Groupe ;
- Par ailleurs, l’objectif de réinventer la distribution, vers un modèle omnicanal et transversal, reste toujours en suspens ;
- L’objectif de satisfaire tous les clients n’est pas atteint, les NPS sont globalement d’un niveau insuffisant sur toutes les typologies de clients et de façon plus prononcée chez les courtiers partenaires, et les experts comptables.
Le plan stratégique “esprit de conquête”
Bien que la Direction Générale ait prévu d’associer les salariés à la construction du nouveau plan, les réflexions et travaux n’ont finalement impliqué qu’un nombre restreint d’acteurs : des administrateurs, la Direction du groupe, celle de la Transformation, les directions métiers et quelques experts en phase finale.
Les élus demandent que l’élaboration des feuilles de route — qui doit être achevée d’ici mars / avril 2026 — et les programmes transverses issus des orientations stratégiques associent plus étroitement les acteurs concernés, notamment plus largement les équipes au sein des métiers. Ces programmes définiront les trajectoires à mettre en œuvre, il est important que les opérationnels y soient étroitement associés.
Le plan « Esprit de conquête » affiche des ambitions de croissance (chiffre d’affaires 2031 visé à 16 Milliards d’euros, +5% par an) mais sans se distinguer clairement de la concurrence. Où sont les valeurs paritaires et mutualistes, la RSE, l’engagement sociétal, qui devraient être au cœur de notre identité ? L’expertise de SECAFI souligne que « peu de différenciations explicites » apparaissent à ce stade. Nous demandons une intégration plus forte de notre ADN paritaire et mutualiste au sein des orientations, idem pour nos engagements sociétaux. La vision stratégique doit également nous permettre de nous différencier de nos concurrents. Enfin, elle doit aussi rappeler la force de notre modèle territorial unique.
Si l’objectif de croissance du chiffre d’affaires assurantiel apparait plutôt raisonnable, sa compatibilité avec les ambitions simultanées du plan en termes de croissance du résultat, de consolidation du ratio de solvabilité et de diminution du ratio d’endettement apparait plus délicate.
La distribution
La réforme de la distribution, mise en œuvre après l’échec de celle antérieur à 2023, n’a jamais fait l’objet d’un bilan et d’une analyse détaillée. Depuis, la définition d’un modèle de distribution reste en suspens, en attente d’une clarification de la politique de développement. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous viser une stratégie de reconquête sans avoir établi un diagnostic précis de l’existant ?
Comment vendre ? Quelles évolutions attendre du modèle de distribution du groupe ? Le plan n’aborde aucune piste concrète. Les élus regrettent le retard pris pour répondre à ces questions essentielles, alors que nos concurrents sont bien plus avancés. Si le plan stratégique précise des cibles prioritaires et les produits à leur proposer, les feuilles de route définiront les évolutions d’offre : structure, garanties, tarif, service… Il élude, à ce stade, la question essentielle : « vendre comment ? »
Par ailleurs, la part des réseaux internes et externes restent à préciser. Si l’intérêt de disposer de réseaux salariés ne semble pas être remis en cause, la place des réseaux physiques de salariés dans l’environnement de la distribution, qui comprend les partenaires externes, le digital et la VAD, demeure à clarifier.
Même si le GIE AG2R et La Mondiale Groupe ont été immatriculés à l’ORIAS, les élus attendent de la direction la garantie de l’abandon d’un GIE unique du personnel.
Enfin, les élus soulignent que les objectifs commerciaux définis ne pourront être atteints qu’avec un déploiement des outils (exemple CRM commun) et des produits adaptés, dont les livraisons sont toujours repoussées.
Les élus observent aussi encore une baisse constante des effectifs des conseillers entreprises (Portant à 60 le nombre en 2024). Il en est de même pour les fonctions supports assistantes et technico-commerciales. La situation est identique dans le marché des particuliers (-77 conseillers en 2024).
Plateformisation et SI
Si les fondations sont livrées, les retards sur les originateurs OSP et OERI sont significatifs (avancement réel approximatif de 45% par rapport au prévisionnel). Ces décalages font peser des risques de dérives calendaires et budgétaires. Ce retard pourrait également reporter le déploiement du nouveau plan stratégique. Le groupe saura t’il s’adapter aux évolutions du marché sur les 6 ans du plan d’entreprise ?
Les gains annoncés ne sont pas encore « pilotés » par les métiers et semblent invisibles.
Nous exigeons :
- Une transparence totale sur les jalons et les coûts réels ;
- Une ventilation claire des gains SI par métier ;
- Un accompagnement renforcé des salariés face aux impacts de l’IA et des nouveaux outils ;
- Une projection claire des impacts du déploiement de la plateformisation sur les effectifs par activité, par métier et sur les transformations d’emplois ;
- Un suivi des impacts sociaux et organisationnels des livraisons digitales (formations, accompagnements, conditions de travail).
La qualité de service
Malgré une amélioration du NPS, celui-ci reste en deçà des niveaux cibles, signe que des avancées restent à faire pour améliorer notre réseau de proximité et de service. La multiplication des canaux (omnicanal, portails, mandataires) ne doit pas se faire au détriment de la qualité perçue par nos clients. Nous demandons des objectifs NPS chiffrés, par segment de clientèle, et un suivi trimestriel en CSE.
L’emploi et les compétences
Le budget 2026 prévoit une baisse d’effectifs en Retraite Complémentaire et des incertitudes subsistent sur les cibles d’effectif en santé prévoyance.
Aucune trajectoire sociale précise n’est cadrée à ce stade. Les projections d’effectif ne seront connues qu’à la présentation des feuilles de route, ce qui rend l’avis ici incomplet.
Nous exigeons :
- Une trajectoire d’emplois détaillée par domaine, métier et par site, avec visibilité sur 3 ans ;
- Des plans de développement individuels pour accompagner les mobilités internes et reconversions, générées par la plateformisation sur le périmètre de l’Assurance De Personne, le déploiement des SI fédéraux pour la Retraite complémentaire, et en intégrant également tous les impacts liés à la digitalisation et à l’IA.
- Des négociations GAPEC et Égalité professionnelle menées dès le premier semestre 2026, avec des accords ambitieux qui puissent être réellement accompagner la déclinaison des feuilles de route du plan stratégique ;
- Un tableau de bord trimestriel emplois/compétences et sur la charge de travail/ETP présenté en instance, avec un point tous les 90 jours.
L’objectif de résultats net 2031 à 350–400 M€ et le redressement de La Mondiale, passent par une pression accrue sur les frais et la productivité. Les arbitrages « croissance vs coûts » risquent de peser sur les conditions de travail et l’emploi. Nous refusons que les gains de productivité se traduisent par des suppressions de postes ou une intensification / dégradation des conditions de travail.
Domitys et le « Bien vieillir »
Les élus constatent que, sur les 3 premières années du plan stratégique, l’unique ambition affichée pour Domitys est d’atteindre l’équilibre financier. Nous regrettons l’absence, à ce stade, d’ambitions claires en matière de qualité de service ou de développement social dans le domaine du “bien vieillir”. Nous ne voyons pas émerger de synergie qui bénéficieraient à l’ensemble des entités du groupe. Nous souhaitons donc que ces réflexions soient intégrées dès les premières étapes du plan et non repoussées après 2029, et réitérons notre demande afin que l’équilibre financier ne soit pas obtenu au détriment des conditions de travail des salariés, qui subissent déjà un PSE, plan de sauvegarde de l’emploi, ou de la qualité de service aux résidents.
Retraite complémentaire
Les élus prennent acte que les ambitions de la retraite complémentaire et les chantiers associés seront définis dans le cadre du prochain COM 2027-2030, en cours de construction. Nous regrettons cependant que le plan stratégique ne rende pas explicite les intentions de collaboration entre la retraite complémentaire et le domaine concurrentiel, notamment via des approches concertées auprès des entreprises et autour de l’action sociale. Cette nouvelle organisation pourrait, en effet, avoir des impacts significatifs sur l’organisation du travail et des métiers, sans compter les risques que cela pourrait représenter avec l’interdiction des Fédérations AGIRC-ARRCO de ce type de passerelle.
Nous espérons que les fonds de gestion seront utilisés dans leur intégralité, contrairement aux années passées, et que nous pourrons, le cas échéant, solliciter des fonds supplémentaires pour pouvoir répondre aux COM.
Engagement des salariés
Les élus estiment que le baromètre d’engagement doit procéder d’une intention de remise en question, visant à améliorer l’adhésion des salariés aux orientations de l’entreprise, et non d’une volonté d’autosatisfaction. Or, les élus jugent que le dernier baromètre ne remplissait pas cette condition, en mettant en outre, en défaut les managers de proximité.
L’ambition annoncée par la direction générale de développer une culture d’entreprise renforcée pour faire des salariés et des administrateurs des ambassadeurs du groupe interroge. Les élus resteront vigilants quant aux modalités de réalisation de cette ambition afin qu’elle ne se traduise pas par une pression supplémentaire sur les salariés. Cette ambition doit se concrétiser dans le respect de leurs conditions de travail et de leur équilibre.
Rapport de durabilité
Malgré des ambitions affichées, le pilier environnemental reste le moins pris en compte, avec peu d’objectifs chiffrés ambitieux et d’actions concrètes. Les actions réalisées sont limitées : optimisation des surfaces avec le Flex Office, ajustement des températures, sensibilisation aux écogestes, et formation ISO 50001.
Les actions futures restent insuffisantes : seuls trois groupes de travail sont prévus (achats, déplacements, numérique responsable), sans mesures concrètes sur les déplacements domicile-travail, pourtant troisième source d’émissions de gaz à effet de serre (GES).
Il est nécessaire d’envisager des actions plus concrètes et chiffrées en matière de RSE : à ce stade, la création de richesse que peut apporter la RSE, engament des salariés, confiance des clients et investisseurs, n’est pas suffisamment exploitée.
Conclusion et préconisations des élus CFDT CGT CFE-CGC UNSA et Sud Solidaires
Pour accompagner ces orientations dans le respect des salariés et de nos valeurs paritaires, nous demandons :
- Une transparence renforcée : avec une présentation des jalons du Système informatique, des impacts de l’IA sur les emplois et les conditions de travail, de la conformité ORIAS/DDA, des gains réels par métiers de la plateformisation et de l’introduction de l’IA.
- Un suivi social rapproché : avec la fourniture d’un tableau de bord trimestriel en CSE/CSSCT avec indicateurs emplois, compétences, NPS, avancement SI ;
- Des négociations sur la GAPEC et l’Égalité professionnelle dès le premier semestre 2026, et définition des moyens pour la formation, la mobilité et l’accompagnement individuel ;
- Une préservation de l’emploi : avec un engagement de la direction sur le volume d’emplois, les sites, les reconversions internes avant tout recours externe ;
- Une valorisation de notre identité paritaire et mutualiste : avec l’intégration de la RSE, de l’utilité sociale et des valeurs solidaires dans la stratégie commerciale et de marque. Les élus regrettent que le plan stratégique n’apporte pas, à ce stade, la démonstration visible et concrète que les valeurs paritaires et mutualistes portées par le groupe puissent contribuer à son développement futur. Ces valeurs doivent être mises en avant comme un levier de différenciation et de confiance.
- La création d’une commission « environnement » au sein du CSE pour renforcer la transparence, et préparer les consultations annuelles, grâce à des indicateurs sur l’impact des actions en faveur de l’économie sociale et solidaire (ESS) et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Cette commission s’inscrit dans le cadre de la loi du 22 août 2021 sur le climat.
- La Création d’une commission CSE dédiée à la mise en place de la plateformisation et au déploiement de l’IA : nous constatons que la suppression de la commission informatique en plein déploiement des projets de plateformisation et de l’IA était une erreur, et demandons sa remise en place dans les meilleurs délais.
Les élus CFDT CGT CFE-CGC UNSA et Sud Solidaires du CSE de l’UES AG2Rresteront mobilisés pour que ces orientations stratégiques créent de la valeur pour les salariés, les clients, ainsi que pour notre modèle paritaire et mutualiste. Nous serons vigilants et exigeants sur leur mise en œuvre, notamment lors de l’examen des feuilles de route. C’est pourquoi les élus demandent que l’avis sur la stratégie de l’entreprise à partir de 2026 inclue la consultation sur les feuilles de route et leur mise en œuvre. Les élus rappellent également que la réussite du plan stratégique repose avant tout sur l’engagement des salariés. Il nous semble donc indispensable que l’entreprise affiche clairement son respect pour leur travail, leur expertise et leur rôle central dans la réussite du groupe. En outre, ils doivent être considérés comme des acteurs stratégiques et non comme une simple variable d’ajustement économique.

