AG2R LA MONDIALE sous les projecteurs de la négociation de l’ANI.

Une négociation passe inaperçue actuellement, malgré son importance vitale pour notre groupe : la négociation sur l’avenir des Groupes de Protection Sociale et leur gouvernance. Ces discussions, de plus, se déroulent dans climat de tension autour d’AG2R LA MONDIALE. Décryptage d’un dossier de tous les dangers pour les salariés du groupe.

Après plusieurs mois passés sur le diagnostic, les organisations syndicales des salariés et des employeurs qui gèrent les groupes de protection sociale GPS commencent à poser les problématiques et à envisager des solutions.

Rappelons que la gouvernance des GPS avait fait l’objet d’un Accord national interprofessionnel en 2009.

Cet ANI avait été signé à l’unanimité par les partenaires sociaux alors que l’actualité de notre groupe avait déjà pesé dans les débats avec le rapprochement entre AG2R et La Mondiale.

Qu’est-ce qu’un GPS ?

L’accord de 2009 a défini ce qu’était un groupe de protection sociale (notion alors inconnue de la loi) : c’est un ensemble structuré de personnes morales, créé, piloté et contrôlé par les partenaires sociaux.  Le groupe doit comporter au moins une institution de retraite AGIRC ARRCO et une institution de prévoyance. Mais il peut également accueillir une mutuelle ou une compagnie d’assurances. Quelle que soit la structure appartenant au groupe, elle doit intervenir au titre de la retraite complémentaire obligatoire ou de la protection sociale complémentaire collective ou individuelle.

Comment est gouverné un GPS ?

Le principe de base de gouvernance posé par l’ANI de 2009 est la gestion paritaire ou paritarisme à savoir que le pouvoir est exercé par les partenaires sociaux nationaux : les représentants syndicaux des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) et ceux des salariés (CFE-CGC, CFTC, CFDT, CGT-FO, CGT).

Un modèle de gouvernance attaqué ?

L’ANI a doté les GPS d’une association sommitale et a défini son rôle. C’est son conseil d’administration qui définit la stratégie des groupes et seules les institutions paritaires ont voix au chapitre dans cette instance.

Depuis 2016 et Solvency 2, de nouvelles organisations au sein des GPS (SGAM, SGAPS, UMG) ont permis de regrouper des entreprises d’assurances avec des institutions de prévoyance et des mutuelles.

Cette évolution s’est accompagnée de la volonté de la part des nouveaux arrivants de prendre part à la gouvernance du GPS auquel ils appartiennent. Actuellement, au sein de l’association sommitale d’AG2R LA MONDIALE, seuls les administrateurs paritaires ont le droit de vote, les administrateurs de LA MONDIALE se contentant d’un seul rôle consultatif, de plus en plus mal vécu au fil des exercices déficitaires d’AG2R P ayant nécessité des soutiens financiers de La Mondiale pour maintenir la marge de solvabilité de l’institution.

A l’inverse, les organisations syndicales patronales et salariales estiment que les mutuelles ou les assureurs mutualistes n’ont aucune légitimité à gérer les caisses de retraite complémentaire ou les institutions de prévoyance qu’elles ont créées et pilotées depuis plusieurs décennies. N’oublions pas que l’origine des GPS est la caisse de retraite complémentaire, née de la décision conjointe d’employeurs et de syndicats de salariés d’améliorer la retraite de base en créant à partir de rien et sans l’aide des pouvoirs publics un régime par répartition. Les institutions de prévoyance sont nées, elles aussi, de la même volonté, concernant cette fois la santé des travailleurs. Cette nature non lucrative des GPS et leur mode de gouvernance inédit (des organisations syndicales patronales et des organisations syndicales de salariés qui gèrent ensemble !) restent pour beaucoup un modèle précieux à préserver.

D’autres opposants au modèle des GPS existent aussi, mais œuvrent dans l’ombre. Il s’agit des assureurs capitalistiques qui aimeraient bien récupérer le chiffre d’affaires des organismes à but non lucratif, quitte à faire de l’entrisme dans les GPS et à contester leur gouvernance. C’est ce que dénonce le président de la CFE-CGC, François Hommeril quand il dit : « L’objectif de cette négociation (la gouvernance des GPS) est de réfléchir aux moyens de protéger ces outils de gestion convoités par des forces économiques, les fonds de pension. C’est une négociation importante, nous avons des intérêts communs à la mener. »

Evoluer pour survivre ?

Reste quand même que le constat des partenaires sociaux aujourd’hui est que le modèle est à revoir. La complexité des groupes rend le mandat des administrateurs difficile à assurer.

Ainsi le président du MEDEF, Patrick Martin, souligne l’évolution forte des GPS « au fil des décennies ». Les groupes sont devenus des « animaux hybrides » : « Cela complexifie la gouvernance, il faut voir comment clarifier les responsabilités. ». Il relève également « le durcissement des normes prudentielles » et le poids croissant des GPS sous l’effet de leur concentration. Leur gestion exige « une forme de professionnalisation, ce qui ne veut pas dire rémunération » des administrateurs. Et cela afin que les conseils paritaires puissent en substance pouvoir appréhender au mieux le fonctionnement complexe des GPS, voire contredire les options proposées par l’opérationnel.

La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, indique, quant à elle, que l’accompagnement des « militants administrateurs » est également au cœur des réflexions de la CFDT. Elle évoque « des enjeux éthiques et de transparence », avec la nécessité de repréciser l’articulation entre conseils d’administration et directeurs généraux : « Certains peuvent avoir la tentation de parler à leur place et de dénaturer le rôle des administrateurs.»

En effet, l’un des autres enjeux de la négociation est de re préciser la place des Directeurs généraux des GPS et les limites de leur rôle.

Quelle place des Directeurs Généraux dans les GPS ?

Cet enjeu est devenu central après les remous qui ont agité AG2R LA MONDIALE ces derniers mois, au point que la gouvernance de notre groupe sert aujourd’hui de cas d’école.

Le feuilleton a commencé fin juillet 2023, lorsque les secrétaires généraux de la CFDT, CGT et de FO ainsi que le président de la CFE-CGC ont adressé au Directeur général d’AG2R LA MONDIALE un courrier de recadrage. Les leaders syndicaux ont jugé dangereuses pour le paritarisme des pistes d’évolution du groupe qu’aurait imaginées Bruno Angles, d’autant que ces pistes n’avaient pas été présentées en amont aux confédérations syndicales.

Deux projets présentés en conseil d’administration le 19 décembre a remis le feu aux poudres.

Le premier concerne la création d’un GIE unique pour la gestion des salariés du groupe, aujourd’hui répartis sur plusieurs conventions collectives. C’est ce scénario que la CFDT AG2R a présenté à plus de 1000 salariés lors d’une assemblée générale le 14 décembre et qui a suscité le rejet de la quasi-totalité des participants.

Le second vise à la création d’une société de réassurance afin d’améliorer le schéma prudentiel. La problématique posée par la création de cette société serait sa structure, qui ne serait pas paritaire, et donc sa gouvernance, alors que son rôle serait stratégique dans la construction des résultats des entités du groupe.

Ainsi, dans le contexte de négociation de la gouvernance des GPS, ces deux projets ont provoqué la colère des administrateurs salariés, et encore plus des organisations syndicales qui les mandatent. Le reproche principal : Bruno Angles veut passer en force et faire fi des conseils d’administration.

Séance du conseil d’administration annulée, rumeur de démission démentie, articles dans la presse, notamment dans MEDIAPART, AG2R La Mondiale, dans l’oeil du cyclone, a été de nouveau fortement secoué en ce début d’année 2024.

Quels dangers pour le groupe ?

Soyons clairs : l’affrontement entre les paritaires AG2R et les mutualistes LA MONDIALE peut faire craindre un éclatement du groupe.

Certains évoquent même la reprise d’AG2R prévoyance par le groupe Malakoff Humanis et l’intégration des caisses de retraite complémentaire au sein de Klesia.

Ces scénarios semblent tenir de la science-fiction ou de la volonté de nuire de concurrents.
En effet, toutes les parties concernées, tant du côté AG2R que du côté Mondiale sont conscientes qu’une scission serait très couteuse et extrêmement dangereuse pour chaque entité. D’autre part, il faudrait que les partenaires sociaux avalisent le démantèlement du premier groupe de protection sociale en France.

Et les salariés ?

Force est de constater qu’aussi bien dans les plans de la direction que dans les analyses des conseils d’administration existent de grands absents : les salariés du groupe. Car, quelles que soient les décisions qui seront prises, elles auront un impact important sur la vie de l’entreprise et donc sur les emplois du groupe, ainsi que dans les relations sociales de l’entreprise.

La CFDT AG2R ne peut, et ne veut pas prendre part au débat sur la gouvernance qui relève des acteurs paritaires et non des instances représentatives du personnel. Mais elle a une exigence : que les salariés, leur devenir, leur statut et leurs conditions de travail fassent partie intégrante de l’équation.

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CCO
CCO
7 mois il y a

jamais inutile de rappeler quel est l’ADN du groupe !

Anonyme
Anonyme
7 mois il y a

Aux dernières nouvelles, le DG de MH a récemment réitéré son refus catégorique à une reprise totale ou partielle d’un portefeuille prévoyance provenant d’un autre GPS tel que le nôtre (malgré les apparences, nous [les GPS] demeurons une “grande famille”…pour le moment)

Credule
Credule
Réponse à  Anonyme
7 mois il y a

Vous voulez dire le meme Dg qui a repris humanis en lexpurgeant de la moitie de ses salariés ?

Credule
Credule
7 mois il y a

et oui… l’IP redevenant beneficiaire elle peut plus facilement etre cedee. Ce serait une bonne chose pour les administreurs qui resteraient dans l entre soi politique. Mais bonjour les degats pour les salariés. Demandez aux ex Humanis le prix payé. 2/3 ont pris la porte

Anonyme
Anonyme
Réponse à  Credule
7 mois il y a

Bonjour, salarié MH (ex H), les 2/3 de suppression d’emplois (ex) Humanis que vous annoncez ne sont qu’un mythe (voire une fausse information). Seuls les départs en retraite n’ont pas été remplacés (ce qui est toujours le cas), ainsi que quelques dizaines de doublons, c’est exact, suite à la fusion (comme souvent dans ce type d’OPJ). De plus, la question de la reprise totale ou partielle de certaines activités AG2R-LM est une question posée TRES régulièrement a notre DG par les OS, mais aussi par les salariés. Et sa réponse est toujours la même, ce n’est ni envisagé ni souhaitable, pour vous comme pour nous. Ceci dit, nous suivons attentivement tout comme vous les négociations ANI mais n’avons que peu d’information sur le sujet, hormis quelques tracts syndicaux et réunions à la va vite. J’en profite pour remercier la CFDT de préserver un espace d’échanges comme celui-ci (existant pour votre GPS mais pas sur le notre). Bonne journée à toutes et tous

Anonyme
Anonyme
Réponse à  Anonyme
7 mois il y a

Bonjour,
Comment expliquer les 1500 départs de salariés intervenus en 2018 et 2019 (source : newsassurance pro) ?
De même, plusieurs connaissances internes m’ont indiqué que les années post rapprochement ont été particulièrement mal vécues avec un nombre de départs considérables ?

Credule
Credule
7 mois il y a

Quand on comprendra que la gestion paritaire des IP n’a rien de rigoureux a la difference de la gestion des irc ou de l unedic … on comprendra que pendant des annees beaucoup se sont gaves sur le dos de la bete mais ne paieront pas la note car soit partis avec une retraite chapeau (et dont le seul loisir est de commenter sur linkedin) soit recasés avec un mandat ailleurs…

credule
credule
Réponse à  cfdt ag2r
7 mois il y a

pas du tout ! je ne me permettrais pas ! En revanche dire quil y a eu des erreurs strategiques je crois que tout le monde en convient.

Anonyme
Anonyme
7 mois il y a

Bonjour,

je ne comprends pas votre dernière remarque, car qui mieux que vous connait ce groupe, son fonctionnement et les implications que pourrait avoir sur ses salariés un abandon de ce statut. bien au contraire c’est votre rôle de faire remonter les implications d’un tel changement auprès de notre fédération afin que les négociations et les propositions soient faites en faveur de ce statut et du maintien des emplois au sein des entreprises qui gère ce modèle si particulier et important aux personnes (et pas seulement salariés mais aussi les bénéficiaires) qui en dépendent.
Attention car la Mondiale en tant qu’assureur vie a intérêt à un système par capitalisation plutôt que par répartition.