Rencontre à Matignon : déclaration de la CFDT.

Le 5 avril, l’intersyndicale rencontrait la Première Ministre. Voici la déclaration de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT lors de cette rencontre.

Madame la Première ministre,
Alors que nous entrons bientôt dans le troisième mois d’une mobilisation historique contre le projet de réforme des retraites, vous avez invité l’intersyndicale à dialoguer. C’est donc bien pour parler de la réforme des retraites que la CFDT a accepté votre invitation. C’est bien pour parler de ce projet de réforme contre lequel plus d’un million de travailleurs et de travailleuses défilent chaque semaine que la CFDT a accepté votre invitation. Comment aurait-il pu en être autrement ?
Depuis le 19 janvier et notre 1ère mobilisation intersyndicale, pas une seule rencontre, ni avec vous, ni avec le ministre du travail. Nous sommes aujourd’hui le 5 avril. Madame la Première ministre vous ne pouvez pas continuer à ignorer cette contestation sociale.

  • Vous avez vu ces cortèges composés de travailleurs et de travailleuses de tous les secteurs professionnels,
  • Vous avez vu ces cortèges se multiplier dans toutes la France, dans les grandes villes comme dans les plus petites.
    Les travailleurs et les citoyens rejettent massivement la réforme des retraites que vous proposez. Ils la rejettent car elle est injuste et brutale.
  • Injuste car seuls les travailleurs sont mis à contribution
  • Injuste car les plus gros efforts pèsent sur les épaules de ceux et celles qui ont commencé à travailler tôt, qui exercent des métiers pénibles
  • Et ce projet de réforme est brutal car il a vocation à entrer en vigueur très rapidement, prenant de court des milliers de personnes qui avaient organisé leur fin de carrière.
    Ce sentiment d’injustice est très fort chez les travailleurs et les travailleuses. Et l’absence de toute réponse de l’exécutif face à cette expression citoyenne a progressivement transformé la contestation en ressentiment. L’utilisation du 49.3 et l’impasse faite sur les débats parlementaires a finalement fait naître la colère.
    La décision du Conseil constitutionnel pourrait déséquilibrer encore plus le projet de loi et renforcer encore ce rejet, ce ressentiment et cette colère.

    Madame la Première ministre, la défiance vis-à-vis de nos institutions est à un niveau jamais égalé. Ce sont maintenant nos règles de vie en société qui sont fragilisées et notre démocratie qui est écornée. Le 16 mars au Parlement, vous avez dit vouloir changer de méthode. Comment comptez-vous mieux prendre en compte les attentes des travailleurs ? Comment allez-vous refonder et renforcer le dialogue social ?
    La période appelle à la responsabilité de tous les acteurs. C’est pour cela que nous avons fait la proposition de suspension et de médiation que vous avez refusée. La période appelle à la responsabilité. C’est pour cela que la CFDT, et avec l’ensemble des organisations syndicales, nous vous demandons de suspendre ou retirer la réforme des retraites pour prendre le temps de remettre le débat dans le bon sens.
    Oui il sera nécessaire de parler de pénibilité au travail, de l’emploi des séniors ou des évolutions de carrières. Durant l’automne, la CFDT vous a d’ailleurs fait de nombreuses propositions sur ces sujets, propositions que vous n’avez pas voulu reprendre. L’exécutif est-il maintenant prêt à discuter des départs anticipés pour les personnes qui exercent des métiers pénibles ? L’exécutif est-il maintenant prêt à rendre les négociations sur l’emploi des séniors obligatoires dans les entreprises ?
    Donc oui, nous sommes convaincus que nous devons avancer sur ces sujets de travail mais avant cela, l’exécutif doit montrer qu’il est prêt à écouter.
    Madame la Première ministre, vous ne pouvez pas faire comme s’il ne s’était rien passé depuis 3 mois. Vous ne pouvez pas relancer des discussions sans recréer les conditions de la confiance, sinon de l’écoute.
    Si elle devait être adoptée en l’état, cette réforme laisserait des traces. Elle pèserait sur la vie de millions de travailleurs et travailleuses et d’abord les plus précaires. Mais elle pèserait aussi sur la vie démocratique et notre capacité à faire des choix collectifs.
    Madame la Première ministre, organisez une conférence sociale autour des retraites et du travail et la CFDT y participera.
    Mais avant cela Madame la Première ministre, pouvez-vous répondre à cette question : Etes-vous prête à retirer cette réforme ?
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