Plateformisation : le comment, mais sans le pourquoi…

Lors de la dernière réunion plénière CSE de juin, la direction a présenté un dossier informatique très structurant pour la stratégie de l’entreprise : la plateformisation. Elle a expliqué le comment, mais en omettant l’essentiel : le pourquoi.

La direction a présente un dossier sous le seul angle technologique, sans dévoiler aucun des enjeux stratégiques.
C’est un peu comme si l’on vantait les mérites d’un outil sans préciser exactement son utilité, à quoi il est destiné à servir. C’est l’inverse de la démarche logique qui consiste à déterminer ce que l’on veut construire et à choisir, ensuite, les outils adéquats.

Qu’est-ce que la plateformisation ?

Essayons de définir ce qu’est la plateformisation.

Une plateforme est un modèle d’organisation qui crée de la valeur en facilitant les échanges entre deux ou plusieurs parties, généralement des consommateurs et des producteurs.

La plateformisation est donc un mode d’organisation de l’entreprise qui utilise des outils spécifiques informatiques et numérique pour faire apparaitre de nouveaux modes de collaboration entre acteurs économiques d’un même écosystème.

Il s’agit d’utiliser des outils ouverts vers l’extérieur qui permettent de partager les données. A partir d’une « plateforme » on peut aller se connecter via des protocoles unifiés sur d’autres plateformes ou on peut permettre à des acteurs externes de venir se connecter sur notre « plateforme ».

Les exemples les plus emblématiques de plateformes sont Amazon, Uber ou Alibaba. Ces entreprises ne créent pas et ne contrôlent pas directement l’inventaire via une chaîne d’approvisionnement comme le font les entreprises linéaires. Ces plateformes ne possèdent pas les moyens de production, mais créent plutôt les moyens de connexion.

Dans notre secteur d’activité, on peut citer Digital Insure. Cette « assurtech » a centré son activité autour de l’assurance emprunteur et la prévoyance individuelle. Elle propose des offres conçues avec AG2R La Mondiale et Scor Global Life. Dernièrement, Digital Insure a mis au point une nouvelle solution dédiée à une clientèle patrimoniale. Ce produit a été créé par La Mondiale Europartner.

Autre exemple : Fasst. Créée par un ancien d’AG2R La Mondiale, cette entreprise a pour objectif de simplifier les processus d’offres commerciales pour les assureurs et les courtiers. Fasst a développé une intelligence artificielle spécialisée en prévoyance / santé, qui a été nourrie avec l’ensemble des documents possibles et existants sur les offres commerciales. Les courtiers ont ainsi un assistant clés-en-main pour s’y retrouver en collective. Fasst propose aussi un catalogue d’API (interface de programmation d’application), en collective comme pour les TNS (en prévoyance), et se trouve également derrière la plateforme collaborative Flexibranches, qui promet de diviser par 10 le temps de création et de modification des offres.

L’intérêt ici est d’accéder directement à un nombre important de clients et enrichir rapidement l’offre en supprimant les intermédiaires. En plus des effets d’échelle générés, les plateformes permettent de proposer des offres qui reposent sur des ressources tierces.

Pour les assureurs, ces systèmes peuvent être la possibilité d’ouvrir plus largement leur distribution et de toucher de nouveaux clients, mais aussi de s’intégrer ou de fédérer autour d’eux des écosystèmes correspondants à d’autres univers de besoins qui concernent leurs clients.

Quelle finalité pour AG2R LA MONDIALE ?

Ne voir une plateforme que comme un simple outil numérique, un canal de distribution avancé de produits et de services, c’est ignorer que « l’entreprise plateforme » est une vision plus globale et structurante. C’est une façon de repenser la conception, la mise en œuvre et l’adaptation rapide des échanges de l’entreprise avec toutes les parties prenantes de son écosystème.

Or, la direction ne nous parle que des outils spécifiques, mais sans rien nous dire sur la finalité, c’est-à-dire ce qu’elle veut comme nouveaux modes de collaboration et avec quels acteurs.

Quelle stratégie d’activité et d’emploi ?

L’une des caractéristiques inhérentes au concept de plateformisation est de pouvoir proposer des offres qui reposent sur des ressources tierces. Donc la frontière entre plateformisation et externalisation est mince car les deux processus ont la même finalité.

Aucune stratégie sur la politique de l’emploi, sur les activités de cœur de métier à gérer absolument en interne, n’est définie.

Seconde caractéristique : la plateformisation s’inscrit dans un écosystème. Ainsi, le groupe pourrait s’intégrer ou fédérer autour de lui des écosystèmes correspondants à des univers de besoins sur lesquels il pourrait être pleinement légitime à intervenir (la santé, l’habitat, l’accompagnement du bien vieillir, les besoins professionnels…). Mais là encore, aucune perspective n’est donnée sur la stratégie.

Des questions sans réponse.

On peut se demander pourquoi la direction entretient un tel flou dans ce dossier. Deux réponses sont possibles : elle veut cacher ses intentions réelles aux salariés de l’entreprise et à ses représentants, ce qui est grave. Elle peut vouloir, par exemple, faire appel à l’extérieur pour gérer ses activités ou même pour commercialiser en partie ses produits.
Autre réponse possible : la direction ne sait pas vraiment où elle veut aller et se laisse porter par le contexte actuel, ce qui est peut-être encore plus grave !

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Un salarié
Un salarié
2 années il y a

Je cite “le groupe pourrait s’intégrer ou fédérer autour de lui des écosystèmes correspondants à des univers de besoins sur lesquels il pourrait être pleinement légitime à intervenir” 😀 on a l’impression d’entendre notre président (de la république) après une nuit “blanche”, beaucoup de mots mais la phrase n’a absolument aucun sens 😀 et tout l’article est comme ça !
Et quant à la question du pourquoi de votre conclusion, définitivement c’est la deuxième réponse 🙂 Peut être plus d’explications chez les anciens collègues de notre direction (McKinsey pour ne pas les nommer).

abcd
abcd
Réponse à  Un salarié
2 années il y a

Dur, dur, le commentaire. Personnellement, je trouve l’article clair sur un sujet complexe. Et l’article pose bien les enjeux du dossiers, les dangers, les impacts possibles sur l’emploi…

anonyle
anonyle
2 années il y a

Bonne présentation du concept de plateforme.
Mais peu d’informations sur la déclinaison dans le groupe.

Un salarié
Un salarié
2 années il y a

Il est légitime de se poser ces questions. Mais il ne faut pas les aborder avec dogmatisme ni conservatisme. Le groupe est dans un état critique et ultra siloté. D’ailleurs, on peut se demander si nous sommes réellement un groupe, ou un amoncellement de structures chacun vivant dans son coin. La plateformisation peut être une chance de mettre enfin en valeur tout notre savoir faire, sans les freins organisationnels et politiques.
Enfin, ne redoutez pas la distribution externe en complément de la distribution interne. Tous les grands groupes ont un réseau salarié couplé à des distributeurs externes (agents généraux, courtiers etc…). Et ils se portent bien car se complètent.

Comment répondre aux clients ?
Comment répondre aux clients ?
Réponse à  Un salarié
2 années il y a

Pourquoi la transversalité ne fonctionne pas entre les differentes organisations du groupe, et ce depuis des décennies ? Pourquoi l’externalisation est la solution ?

Un salarié
Un salarié
Réponse à  Comment répondre aux clients ?
2 années il y a

Peut-être un sujet de gouvernance…
La plateformisation n’est pas nécessairement synonyme de tout externalisation. Elle peut parfaitement permettre d’allier tous les modèles qui ont d’ailleurs vocation à se compléter. Par ailleurs, un réseau de distributeurs externes ne signifie pas mort des réseaux salariés (loin de là même). Et ça peut même être générateur d’emplois dans l’animation commerciale…

Comment répondre aux clients ?
Comment répondre aux clients ?
Réponse à  Un salarié
2 années il y a

Que de sujets de gouvernance qui doivent être présentés aux OS qui ont de moins en moins d’adhérents. Réussirons nous à travailler collectivement un de ces jours ?