Au nom d’une coalition inédite de 19 organisations, l’ancien ministre et le secrétaire général de la CFDT présentent un pacte visant à concilier transition environnementale et équité.
Propos recueillis par Rémi Barroux, Audrey Garric, Simon Roger le 5 mars 2019 pour Le Monde
Représentant une alliance de dix-neuf organisations issues de la protection de l’environnement et du mouvement social, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, et Nicolas Hulot, ancien ministre de la transition écologique qui a démissionné de son poste en août 2018, aujourd’hui président de la fondation qui porte son nom, présentent un projet « pour donner à chacun le pouvoir de vivre ». Celui-ci rompt avec la politique du gouvernement, sur fond de crise des « gilets jaunes » et de mobilisations pour le climat.
Vous présentez, mardi 5 mars, soixante-six propositions qui forment un « pacte social et écologique ». Qu’apportez-vous de plus dans le débat actuel sur l’enjeu climatique ?
Nicolas Hulot Notre alliance : cette coalition veut rendre définitivement indissociable l’enjeu écologique et l’enjeu social. Ce n’est pas un front de dénonciation, mais de proposition. Notre responsabilité, dans un contexte très tendu, au niveau national, européen et, plus encore, au niveau mondial, est de ne pas rester dans le constat, mais d’aller vers la construction, dans la proposition, d’additionner les intelligences et cesser de les opposer.
Toutes les initiatives en cours, marches, mobilisation des jeunes, etc., sont autant de signaux positifs, incitatifs, à destination des politiques. Dans une démocratie qui fonctionne bien, il faut trouver une forme de synchronisation entre les aspirations citoyennes et la volonté politique.
Un dénominateur commun existe entre elles : la double soif de cohérence et de dignité. Ces mouvements posent des questions qui doivent être entendues, notamment la demande d’équité – que chacun prenne sa part à proportion de ses moyens –, et de dignité parce qu’il y a des injustices dont on s’est accommodé trop longtemps. Ce n’est plus possible dans un monde où tout se voit, tout se sait.
Laurent Berger A l’urgence écologique a répondu une ambition très faible. Le mouvement social, qui a bien d’autres causes, s’est cristallisé au départ sur la question de la fiscalité écologique. L’ambition sociale n’est pas antinomique du respect de l’environnement et de l’ambition écologique, et doit être au contraire construite de façon concomitante. Dans notre pacte, se retrouvent des organisations environnementales, des syndicats, des associations de lutte contre la pauvreté, sur le logement, de jeunesse et des mouvements d’éducation populaire.
Ensemble, nous voulons affirmer l’enjeu de la transition écologique. « L’Affaire du siècle » [quatre associations attaquent l’Etat en justice pour son « inaction climatique »], mais aussi la mobilisation internationale des jeunes, le 15 mars, et la marche du 16 mars pour le climat sont autant de raisons d’espérer. Ne lâchons rien, et même allons beaucoup plus loin sur la transition écologique. Elle contribue aux solidarités, à l’emploi, à la lutte contre la pauvreté. A la condition que l’on fasse les bons choix, notamment en termes de répartition des richesses, en termes de politique fiscale. Ce n’est pas ce qui se fait aujourd’hui.
Qu’espérez-vous concrètement avec le lancement de la plate-forme ?
N.H. Il faut rester réaliste, d’autant qu’on est à un point de bascule dans nos sociétés. Nous ne passerons pas d’un état de scepticisme et d’inquiétude à un état d’euphorie. Il en faudrait peu pour basculer vers l’irréversible. Et il n’en faudrait pas non plus beaucoup pour qu’en y mettant des moyens et de la cohérence, on puisse faire un saut qualitatif. Mais les délais sont très courts. Les choix qui vont être faits en Europe et en France sont déterminants sur l’amplitude de la crise écologique, qui se cumule à une crise sociale, économique, culturelle et de civilisation.
A partir du moment où il y a une expression diversifiée, massive, une injonction presque amicale aux politiques, j’attends qu’ils se sentent pousser des ailes et piochent dans notre boîte à outils, dans les propositions de ceux qui représentent des citoyens, des hommes et des femmes de terrain. Qu’ils ne voient pas cela comme un affront, mais comme une aubaine.
Il y a une nécessité de rétablir une forme de confiance entre le politique et le citoyen. Ne tombons pas dans le travers démagogique qui est de considérer que ce serait dû au fait que le politique ne comprend rien à rien. Il a les défauts et les qualités du reste de la population. Il faut essayer de comprendre pourquoi, tous les cinq ans, on se soumet à une forme d’illusion et pourquoi, un an et demi après, on retombe sur terre violemment.
Ce qui ne fonctionne pas, c’est qu’on ne se donne pas les moyens, c’est-à-dire qu’on se débarrasse d’un certain nombre de sujets avec des feuilles de route, des plans mais, bien souvent, sans la capacité de les réaliser, et notamment sans le nerf de la guerre : l’argent. Dans une période de transition qu’il est nécessaire d’accompagner, afin de la rendre socialement acceptable et même désirable, il faut investir.
Dans quels secteurs ?
N. H. Les problèmes de précarité énergétique, de mobilité, d’alimentation saine, appellent des investissements massifs. Et l’on sait bien que les marges budgétaires des Etats, si l’on tient compte des critères maastrichtiens et de la réalité de notre budget, sont réduites comme peau de chagrin. Si on ne sort pas des sentiers battus, on entretiendra encore une fois une mystification et une grande désillusion collective.
Dans nos propositions, il y a deux choses. Premièrement, être capable d’extraire les investissements des critères européens. Deuxièmement, il faut un big bang fiscal parce que la fiscalité actuelle n’est pas juste, que le partage de l’effort n’est pas équitable. La fiscalité s’est accommodée trop longtemps de ce que les plus malins se sont organisés pour échapper à la solidarité. Parce qu’aussi, la fiscalité écologique a toujours été pensée comme additionnelle et punitive – ce qui s’est passé avec la fameuse taxe carbone –, alors qu’il faut faire en sorte qu’elle soit incitative ou dissuasive, mais sans mettre en difficulté.
Bercy [le ministère de l’économie] doit faire son deuil sur l’affectation de la taxe carbone au budget national. Les recettes doivent être affectées à un coussin social, destiné aux gens qui se retrouvent dans une impasse. Personne ne conteste la nécessité de mettre un prix à la pollution, mais, collectivement, on s’y est très mal pris.
L. B. Notre objectif, c’est que le gouvernement entende l’ambition que portent un certain nombre d’organisations représentant les corps intermédiaires. Celle-ci ne consiste pas en une simple liste de mesures, c’est celle d’un pacte social pour la transition écologique, la construction d’un autre modèle de développement. Pour cela, il existe plusieurs leviers dont le principal est financier. Il faut des politiques d’investissement, au niveau national comme européen, dignes de ce nom et pour cela, il faut mettre à contribution les flux financiers et rendre la finance plus responsable socialement et écologiquement.
Le gouvernement doit comprendre que s’il se contente de retenir le troisième tiret d’une proposition, puis le quatrième d’une autre, cela ne fera pas sens. Cette transition doit se faire à hauteur de femme et d’homme. C’est cela que nous appelons le pouvoir de vivre. Nous n’avons pas seulement rédigé une contribution pour le grand débat, nous voulons nous inscrire dans la durée et peser sur les politiques menées, durablement. Et nous espérons qu’elle ne sera pas traitée d’un revers de la main.
Pourquoi seriez-vous plus entendu aujourd’hui, alors que vous évoquez un « manque d’écoute du gouvernement »…
L. B. Nous n’avons certes pas la certitude d’être entendus. Le gouvernement peut décider de traverser cette crise en continuant, comme avant, dans une pure logique budgétaire, sans fixer un cap de politiques sociales dans le cadre d’une vraie transition écologique. Si, à la fin du grand débat, la conclusion est soit institutionnelle, soit faite de mesurettes s’inscrivant dans un cadre budgétaire contraint, ce sera un échec. La colère ressurgira sous d’autres formes, avec des issues qui nous inquiètent profondément. Il n’y a pas qu’un enjeu écologique et social, il y a un enjeu démocratique dans la crise que nous traversons.
Il n’y a que ceux qui n’auront pas essayé de peser sur l’issue du grand débat qui auront fait une connerie. Moi, je suis un peu plus flippé qu’il y a quelques années sur la situation sociale, écologique et démocratique. On aurait tous préféré être écoutés plus en amont. Mais il vaut mieux maintenant que jamais.
La taxe carbone, point de départ de la colère des « gilets jaunes », peut-elle être conjuguée aux attentes sociales ?
N. H. Pas telle qu’elle a été mise en œuvre. C’est un vieux débat. A l’époque où l’idée de fixer un prix au carbone avait été mise sur la table, je rappelle que les ONG, dont je faisais partie, avaient parlé de cette contribution climat énergie pour aider ceux qui allaient se retrouver dans la difficulté. La recette de cette taxe doit être intégralement affectée à la dimension sociale. Mais il faut quand même inciter tout le monde à la vertu, et mettre un prix à la pollution. Il faut un dispositif d’ensemble. J’ai toujours fait partie des convaincus qui estimaient que si on voulait cette transition, il fallait intégrer l’élément social. Pourquoi, d’après vous, ai-je appelé mon ministère « de la transition écologique et solidaire » ?
Mais l’heure n’est ni au constat ni au procès du passé, notre démarche n’est pas agressive, elle est constructive. Personne n’a seul la vérité, mais chacun en détient une part. Le citoyen avec son gilet jaune a sa part de réalité mais ne mésestimons pas les corps intermédiaires, les ONG qui se sont penchées depuis longtemps sur cette question et avaient tiré le signal d’alarme.
La fiscalité dans son ensemble est un outil de recettes pour certains, mais c’est aussi un outil de régulation. En affirmant les principes de prévisibilité, de progressivité et d’irréversibilité, en quinze ans, on peut changer les modes de production et de consommation. Qu’est-ce qui nous interdit dans la perspective européenne de mettre sur la table une TVA modulable en fonction des impacts sociaux et environnementaux ? Qu’est-ce qui nous interdit d’y aller à fond sur la taxe sur les transactions financières, car si nous ne donnons pas une bouffée d’air aux Etats, nous serons toujours condamnés à l’austérité au Nord et à la misère au Sud. Qu’est-ce qui nous interdit d’inscrire dans les priorités la fin de l’optimisation fiscale dans l’espace européen ?
La fiscalité apparaît centrale dans votre approche…
N. H. Si on ne met pas fin à ces injustices, je peux comprendre que la taxe carbone paraisse injuste car dans le même temps l’ISF a été supprimé. En outre, on voit que l’aviation et le transport maritime sont exonérés de cette taxe. Même si j’entends les arguments d’Emmanuel Macron sur l’intérêt d’arrêter cet impôt, il faut mettre l’ensemble de ces sujets sur la table si on veut apaiser les esprits. Que le citoyen n’ait pas le sentiment d’être le seul mis à contribution et que les plus gros pollueurs, les plus puissants, y échappent. Le moment de l’équité et de la vérité fiscale est venu.
Dans la perspective des élections européennes, il faut mettre la barre très haut. Rien qu’en France, on a besoin de 10 à 30 milliards d’euros en plus pour investir dans la transition. Il ne faut pas les voir comme des éléments de dépense mais comme des éléments d’indépendance. Tout ce qu’on investira dans les énergies renouvelables restera dans nos frontières. Tout ce qu’on économisera grâce à l’efficacité énergétique sera autant d’argent à investir dans le social, la santé, l’éducation. Quand j’étais ministre, on me disait en permanence que, « par principe », on ne pouvait pas sortir des critères de Maastricht. Ce dont je suis sûr, c’est qu’à force de dire « on ne peut pas par principe », cela se terminera forcément mal. On ne peut pas continuer comme cela.
Etes-vous favorables à la relance de la hausse de la taxe carbone ?
L. B. Il y a nécessité de relancer la taxe carbone. Est-ce qu’il faut repartir sur le même mécanisme, c’est un vrai sujet. Mais donner un prix au carbone est nécessaire. Il faut aller plus loin : répartir différemment les richesses, taxer davantage les dividendes, taxer les transactions financières.
N. H. Il faut regarder toutes les possibilités pour donner un prix à la pollution. Certains parlent d’une taxe flottante. D’autres disent que cela n’est pas possible à piloter, mais il me semble qu’en d’autres temps [entre 2000 et 2002], on a eu une TIPP [taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers] flottante. En revanche, on sait ce qu’il ne faut plus faire : une augmentation de la taxe carbone qui ne soit pas redistribuée, soit dans la transition énergétique, soit pour aider les personnes impactées qui n’auraient pas la possibilité de compenser.
Faut-il rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ?
L. B. On a besoin d’une contribution fiscale des plus hauts revenus. Est-ce l’ISF ? Les combats perdus ne m’intéressent pas, le gouvernement ne reviendra pas sur la suppression de l’ISF. Une régulation de la finance, en renforçant la lutte contre l’évasion fiscale ou en taxant les GAFA [les géants du numérique, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft], accompagnée par une fiscalité beaucoup plus redistributive avec, par exemple, une tranche d’impôts supplémentaire, peut permettre de dégager les moyens importants que nécessite la transition écologique. On doit mettre les moyens là où on en a le plus besoin – l’investissement productif au service de la transition écologique, la vie quotidienne des Français avec les déplacements, le logement –, et en direction des plus fragiles.
N. H. La fiscalité écologique a été le bouc émissaire. Il y a eu un manque de transparence et la brutalité d’une hausse sans compensation. Vouloir dégager des marges de manœuvre grâce à la fiscalité écologique est une erreur. J’ai la conviction que pour Bercy, la taxe carbone a été une aubaine. Pour faire des économies, il faudrait plutôt remettre en cause les milliards de subventions aux énergies fossiles, ou revoir la fiscalité sur les dividendes et sur tout ce qui est exonéré en toute immoralité. C’est cela qui crée l’exaspération et la colère des citoyens, et qu’il faut remettre à plat.
La transition, c’est aussi du concret. On propose, par exemple, un service public de la transition écologique avec un guichet unique. Cela fait partie de ces mille mesures qui restent lettre morte. On se fixe depuis plusieurs gouvernements des objectifs de rénovation des passoires thermiques, mais on ne met pas l’argent. Soit parce que l’on ne va pas le chercher là où il est, soit parce que l’on est prisonnier des critères de Maastricht.
Comment trouver cet argent ?
N. H. Les traités européens offrent des flexibilités que l’on n’exploite pas pleinement pour investir massivement dans la transition. L’urgence climatique ne justifie-t-elle pas de déroger, au moins quelques années, au court-termisme budgétaire ? Quand il y a eu la crise économique, on ne s’est pas posé la question de sortir de l’orthodoxie financière en faisant de la création monétaire, pour sauver pas seulement les banques mais aussi les épargnants. Cela a davantage servi à la spéculation plutôt qu’à l’investissement. Aujourd’hui, on s’interdit d’y penser pour sauver non seulement la planète, mais surtout l’avenir de nos enfants. Ça me rend dingue.
On peut aussi étudier la proposition de Pierre Larrouturou et de Jean Jouzel du pacte finance-climat [qui prévoit notamment la création d’une banque et d’un fonds européen du climat, totalisant jusqu’à 300 milliards d’euros par an].
L. B. Il faut aussi conditionner un certain nombre d’aides publiques versées aux entreprises au fait qu’elles investissent dans la transition écologique et dans des politiques sociales, comme l’intégration de personnes discriminées. Elles doivent aussi investir dans un partage de la gouvernance.
Pourquoi la France ne sait-elle pas organiser concrètement la transition, comme assurer la mutation professionnelle liée à la fermeture d’une centrale nucléaire ?
L. B. Notre pays ne vit que dans l’instant et pâtit d’une incapacité d’anticipation. Quand le moment des choix arrive, ils se déroulent toujours dans une forme d’hystérie et de confrontation stérile. On ne sait pas se fixer un cap clair ou tracer une trajectoire sans mettre les problèmes sous le tapis.
N. H. Quand on s’est fixé l’objectif de réduire la part du nucléaire de 75 % à 50 % d’ici à 2025, c’était un cas d’école : on met ça dans la loi de transition énergétique et plus personne ne s’en occupe. Quand on regarde après, c’est la panique. C’est pour ça que la transition doit être basée sur trois principes : prévisibilité, progressivité mais irréversibilité.
Soutenez-vous la mobilisation des jeunes et la grève scolaire internationale du 15 mars ?
L. B. Je préfère toujours voir des lycéens se mobiliser sur des causes nobles et justes, pour le climat, contre le racisme ou le rejet de l’autre, plutôt que sur des choix sur telle ou telle réforme de droit du travail qui les concernera un jour mais pas tout de suite. Je pense que la jeunesse a un devoir d’alerte et qu’elle l’exerce aujourd’hui. En revanche, je ne soutiens jamais la désobéissance civile. On vit avec des règles communes ; si on les respecte tous, on peut les faire évoluer.
N. H. Je me réjouis simplement qu’ils se manifestent et expriment leur inquiétude car leur sort est entre nos mains. Je ne pratique pas la désobéissance civile, mais je n’ai pas à dire aux lycéens ce qu’ils doivent faire. Ce signal très intéressant ne peut pas laisser insensibles les uns et les autres.
Nicolas Hulot, pensez-vous que votre démission ait été le catalyseur de ce mouvement ?
N. H. Je ne suis pas le mieux placé pour y répondre, mais quand je regarde la chronologie des faits, je me dis que cela y a probablement contribué. Je ne l’avais pas imaginé. Je me réjouis de toutes ces initiatives, positives, constructives et pacifiques. Cela me redonne un peu d’espoir.
Dans une alliance inédite, dix-neuf organisations, ONG et syndicats présentent mardi 5 mars une série de mesures pour « faire face à l’urgence sociale et économique ».
Hulot et Berger proposent un « pacte » pour « lutter contre le dérèglement climatique et améliorer le quotidien des citoyens »
Document. Le ton est solennel. Dans un document publié mardi 5 mars, présenté dans Le Monde par Nicolas Hulot, le président de la fondation qui porte son nom, et le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, dix-neuf organisations, ONG et syndicats mettent en garde. « Les alarmes retentissent. Qu’elles viennent de nos organisations depuis des années ou plus récemment de citoyens éloignés de la vie publique, ces alarmes disent la même chose. Un modèle de société qui génère autant d’inégalités et d’injustices et met en péril la vie sur Terre de nos enfants et petits-enfants, et de millions d’êtres humains à travers le monde, n’est plus un modèle. C’est un non-sens », écrivent ces organisations.
Ces structures – dont l’UNSA, ATD quart-monde, la Mutualité française, France terre d’asile, le Réseau action climat, la FAGE… – sont rassemblées dans une coalition inédite en faveur d’un « nouveau pacte politique, social et écologique », qu’elles définissent comme « un pacte pour l’humain et pour l’humanité (…). Un pacte du pouvoir de vivre, aujourd’hui et demain, dans la dignité et le respect, un pacte qui nous engage tous ».
A l’appui, 66 propositions, qui vont du logement à la formation, de la lutte contre l’exclusion à la mobilité, de la fiscalité à la politique du grand âge, avec comme exigence centrale la préservation de l’environnement et des conditions de vie futures de l’humanité.
Les propositions
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• Garantir l’accès à un logement digne
1. Encadrer les loyers dans les zones tendues.
2. En finir avec les logements indignes et les passoires énergétiques en finançant leur rénovation et en interdisant à terme leur mise en location.
3. Investir massivement dans le logement social et très social avec l’objectif de mixité sociale, notamment en revenant sur les ponctions [des organismes] HLM.
4. Revenir sur les coupes opérées sur les aides personnalisées au logement depuis 2017.
• Combattre les inégalités dans l’éducation et la formation et construire des parcours d’émancipation
5. Faire reculer le poids de l’appartenance sociale sur la réussite scolaire.
6. Investir dans les politiques publiques d’éducation populaire.
7. Développer une culture d’écoute des aspirations individuelles dans l’éducation, l’orientation et la formation tout au long de la vie.
8. Faire du compte personnel de formation un levier d’éducation permanente autant que d’adaptation aux métiers.
• Un travail émancipateur
9. Généraliser les accords de qualité de vie au travail dans les entreprises et administrations.
10. Faire évoluer automatiquement les grilles salariales en fonction de l’évolution du smic dans le privé et le public.
11. Lutter contre les recours abusifs aux contrats courts et/ou au temps partiel subi.
• Construire un bouclier de services publics dans tous les territoires
12. Systématiser la proposition d’accompagnement humain à l’exercice des droits.
13. Généraliser les maisons de services au public.
14. Garantir un accès à la santé, en développant notamment les maisons et centres de santé accessibles à tous.
• Une solidarité intergénérationnelle
15. Garantir une protection sociale pour tous les jeunes : la « garantie jeunes universelle ».
16. Garantir une retraite par répartition avec un niveau de pension qui ne puisse pas être inférieur au smic pour une carrière pleine.
17. Donner les moyens d’une politique ambitieuse du grand âge et de la perte d’autonomie.
• Construire l’égalité réelle entre les femmes et les hommes
18. Construire dès le plus jeune âge une culture de l’égalité entre femmes et hommes.
19. Réévaluer les classifications pour revaloriser les métiers majoritairement occupés par des femmes.
20. Promouvoir l’orientation non genrée lors de la formation initiale.
• Lutter contre les discriminations
21. Construire une politique nationale de lutte contre les discriminations.
22. Renforcer les moyens dans les territoires du défenseur des droits et de l’inspection du travail pour lutter contre les discriminations.
• Accueillir dignement les migrants dans le respect des droits fondamentaux
23. Construire et garantir un régime du droit d’asile européen dans le respect de la Convention de Genève.
24. Promouvoir une politique d’intégration bienveillante qui s’inscrit dans notre devoir d’hospitalité.
• Rendre accessible à tous une nourriture saine et éco-responsable
25. Généraliser les repas bio dans les établissements publics et privés.
26. Favoriser l’accès aux produits locaux éco-responsables en organisant les circuits courts sur les territoires.
• Une économie et une finance vraiment responsables
27. Adosser la rémunération variable des dirigeants à la performance sociale et environnementale, et pas seulement financière.
28. Rendre les stratégies climat des entreprises réellement compatibles avec l’accord de Paris.
29. Taxer plus fortement les dividendes et taxer le rachat par les entreprises de leurs propres actions.
30. Conditionner les aides publiques aux entreprises pour les rendre solidaires de leur territoire.
31. Soutenir l’économie sociale et solidaire (coopératives, mutuelles et associations) et des modèles d’organisation d’entreprises plus responsables.
32. Porter politiquement les spécificités du modèle non-lucratif français au niveau européen.
33. Définir des services sociaux d’intérêt général préservés des logiques de marché.
• Redonner du sens au partage des richesses
34. Plafonner les rémunérations des dirigeants d’entreprise, et encadrer les écarts entre les plus hautes et les plus basses rémunérations.
35. Négocier le partage de la valeur ajoutée au sein des entreprises et avec les sous-traitants.
36. Revaloriser les minimas sociaux et les faire évoluer au même rythme que les revenus du travail.
• Engager une réforme de la fiscalité pour plus de justice
37. Introduire une plus grande progressivité de l’impôt (impôt sur le revenu et fiscalité indirecte).
38. Taxer les hauts patrimoines.
39. Mettre fin aux dérogations bénéficiant aux revenus du capital.
40. Evaluer, modifier et réorienter les dépenses (niches) fiscales et les aides publiques aux entreprises pour qu’elles profitent à l’emploi, à la transition écologique, à l’investissement social et à la qualité de vie.
41. Augmenter les moyens pour lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscales, et promouvoir une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés au niveau européen.
• Appliquer le principe de pollueur-payeur à tous
42. Mettre fin aux exonérations de la taxe carbone française pour certains secteurs, en particulier le transport aérien et maritime, les entreprises du marché carbone européen et le transport routier de marchandises.
• Utiliser de nouveaux indicateurs de richesse
43. Concevoir, piloter et évaluer les politiques économiques en fonction de leur impact sur la qualité de vie, la justice sociale, la réduction des inégalités, l’usage sobre des ressources et leur capacité à favoriser des emplois de qualité.
• Développer des mobilités plus durables et sortir de la dépendance aux énergies fossiles
44. Fixer la fin de vente des véhicules essence ou diesel neufs à un horizon compatible avec l’accord de Paris sur le climat.
45. Réengager l’Etat dans le maillage ferroviaire du territoire, pour lutter contre le dérèglement climatique et les fractures territoriales.
46. Faire respecter l’obligation de plans négociés de mobilité dans les entreprises et administrations et les territoires.
47. Instaurer le droit pour tous les salariés de bénéficier du remboursement employeur pour les frais de covoiturage ou de vélo liés aux trajets domicile-travail.
• Organiser la transition écologique dans les territoires et anticiper les mutations de l’emploi
48. Créer des budgets participatifs au niveau local pour organiser la transition : 10 milliards de l’Etat, 10 % du budget des collectivités locales, 10 % du budget de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
49. S’engager résolument dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie, créatrices d’emplois non délocalisables.
50. Garantir l’accompagnement des salariés et des entreprises quant aux conséquences de la transition écologique sur l’emploi.
• Instaurer une fiscalité écologique solidaire et sociale
51. Adopter une trajectoire de la taxe carbone compatible avec l’accord de Paris et reverser l’ensemble des recettes de la fiscalité écologique aux ménages et au financement de la transition.
52. Supprimer les subventions et mesures fiscales dommageables à l’environnement et à la préservation du patrimoine naturel.
• Adopter un plan d’investissement dans la transition écologique
53. Sortir les investissements verts du calcul du déficit public dans les règles européennes.
54. Définir un plan d’investissement public et privé dans la transition écologique à hauteur des 55 à 85 milliards d’euros manquants par an entre 2019 et 2023, et soumettre la politique commerciale et d’investissement de l’Union européenne aux objectifs climatiques, environnementaux et sociaux.
• Permettre l’expression et la participation de tous les citoyens
55. Accroître le pouvoir d’expression des plus défavorisés.
56. Mettre en œuvre une stratégie nationale sur l’engagement citoyen tout au long de la vie.
57. Soutenir la vie associative et syndicale en renforçant ses moyens et en prenant en compte ce qu’elle représente.
58. Inclure des citoyens tirés au sort dans le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et les Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.
59. Mieux inscrire le CESE dans le processus d’élaboration législatif et renforcer son rôle d’évaluation des lois et des politiques publiques.
• Co-construire les politiques publiques
60. Multiplier les jurys citoyens pour l’évaluation des projets de loi, des politiques publiques, mais aussi avec un droit d’interpellation des gouvernements et institutions.
61. S’appuyer sur la vitalité associative dans les politiques publiques et l’encourager en permettant partout le déploiement des initiatives citoyennes.
62. Impliquer les citoyens et la société civile organisée dans l’élaboration des politiques de redistribution et politiques sociales.
• Partager le pouvoir dans les entreprises
63. Instaurer une représentation pour moitié des salariés dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance.
64. Rendre obligatoire la négociation dans les entreprises sur leur « raison d’être » – finalités économiques, sociales, environnementales, sociétales.
• Accroître le droit d’expression au travail
65. Généraliser les espaces d’expression des travailleurs et travailleuses pour intervenir sur les transformations de leur travail (cadences, évolution des tâches, conditions de travail…).
66. Faire participer tous les salariés à la définition de l’agenda social dans l’entreprise, à l’initiative des institutions représentatives du personnel.