Alors que le transfert est prévu pour janvier 2023, une commission du sénat préconise un report en 2024 pour sécuriser l’opération.
“Compte tenu de l’enjeu de sécurisation des droits à retraite complémentaire des 20 millions de salariés affiliés à l’Agirc-Arrco, il n’est pas envisageable de mener à bien le transfert aux Urssaf à l’échéance du 1er janvier 2023“, affirment René-Paul Savary, président de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), et Cathy Apourceau-Poly, au terme d’un contrôle conduit dans le cadre de la Mecss sur ce projet reporté une première fois de 2022 à 2023 pour cause de crise sanitaire.
Les travaux des rapporteurs ont permis de démontrer que les capacités de fiabilisation des données individuelles de la déclaration sociale nominative (DSN) des Urssaf ont été développées trop récemment pour permettre la mise en œuvre du transfert, qui ne présente qu’un intérêt résiduel en termes de simplification des démarches des entreprises et d’économies de gestion.
Les rapporteurs préconisent donc le report du projet à 2024, dans l’attente d’une clarification de la répartition des responsabilités entre l’Agirc-Arrco et les Urssaf et de la constatation de la qualité des dispositifs de fiabilisation mis en œuvre par les Urssaf. Pour René-Paul Savary, “un tiers, qui pourrait être la Cour des comptes, devra constater les progrès des Urssaf en la matière avant que la décision de poursuivre ou d’abandonner le projet ne soit prise”.
D’autres part, les sénateurs jugent que le projet de transfert n’entraînerait pas de simplification majeure pour les entreprises. En effet, ils estiment que la DSN a déjà permis une simplification substantielle du processus déclaratif, “l’existence de deux flux de paiement ne présente plus aucune difficulté particulière”. D’autant que “une double interlocution doit impérativement subsister compte tenu du savoir-faire de l’Agirc-Arrco en matière de calcul des cotisations de retraite complémentaire” ; et compte tenu de la nature du système d’information des Urssaf, “le transfert requiert de solliciter des employeurs les données agrégées relatives à la retraite complémentaire”.
Les bénéfices de la réforme sont donc jugés limités, tandis que les risques qu’elle fait prendre seraient “majeurs”. En effet, pour l’heure, les contrôles embarqués des DSN menés par les Urssaf ne portent que sur les données agrégées, tandis que la cohérence entre données individuelles et agrégées n’est contrôlée qu’au travers de campagnes thématiques a posteriori.
L’Urssaf caisse nationale a récemment développé un nouveau mode de déclaration, qui est expérimenté par deux Urssaf régionales, qui doit permettre un contrôle au fil de l’eau des données DSN via une série d’échanges avec le déclarant.
“Mais sur lequel l’Agirc-Arrco ne dispose pas encore d’un recul suffisant”, constate les sénateurs.
De plus, trois facteurs feraient courir un “risque de “catastrophe industrielle” :
- le maintien d’une double interlocution égalitaire risquant de susciter une forte illisibilité, l’Agirc-Arrco étant privée de son rôle de “point de contact” pour les entreprises, qui devront s’adresser aux Urssaf, lesquelles pourront faire remonter les sollicitations à l’Agirc-Arrco ;
- la phase pilote menée avec les éditeurs afin de tester les modalités de contrôle retenues en vue du transfert est encore trop peu représentative de la diversité des cas particuliers ;
- l’alignement des dates d’appel des cotisations sur celles des Urssaf, soit une anticipation de 10 ou 20 jours, représenterait un impact de 6 milliards d’euros sur la trésorerie des entreprises.
Les sénateurs concluent que les risques induits par le transfert excédent ses bénéfices. Il serait donc préférable pour eux de décréter un moratoire sur ce transfert, le temps pour les Urssaf de faire la preuve de solides avancées en matière de fiabilisation des données individuelles et de convaincre les partenaires sociaux.