Le problème des retraites : avant tout un choix de société.

L’institut Montaigne, un think tank libéral créé par Claude Bébéar (l’ancien président d’AXA qui proposait de privatiser la Sécurité Sociale en 1996…) vient de commettre un article sur son blog intitulé « réforme des retraites, sortir de l’impasse ».

L’institut interprète le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites en expliquant que « l’évolution des pensions qui continueront de croître en euros constants, mais qui chuteront relativement au revenu brut » impose un recul de l’âge de la retraite.

En effet, l’institut part du postulat que « En encourageant un maintien à l’emploi des seniors, ces derniers voient leur protection sociale renforcée et le risque de précarisation réduit, alors que l’espérance de vie augmente. »

Travailler plus longtemps, pour vivre plus vieux !

Cet argument fallacieux tend donc à prouver que la proposition ne se limite pas à vouloir équilibrer financièrement les comptes des régimes de retraite, mais aussi à rendre plus heureux les seniors.

Bien entendu, il passe sous silence le fait que la retraite à 62 ans est un droit, pas une obligation, qui, elle, est à 67 ans. Un salarié a le loisir de reculer son départ à la retraite. La proposition de l’institut Montaigne consiste alors à faire le bonheur des retraités de force !

Mais pas de tous les retraités : seulement les plus aisés.

Car en termes d’équité, l’institut ne reprend pas un élément pourtant très injuste : plus on est aisé, plus l’espérance de vie est élevée.

L’Insee constate de fortes différences d’espérance de vie à la naissance selon le niveau de vie. Les hommes qui font partie des 5 % les « moins riches » avaient sur la période 2012-2016 une espérance de vie de 71,7 ans contre 84,4 ans pour les 5 % les plus riches, soit 12,7 ans d’écart. La différence est un peu moins importante chez les femmes (80 ans contre 88,3 ans).
Ces écarts restent conséquents même lorsqu’on se penche sur l’espérance de vie à 60 ans : 7,6 ans entre les hommes les plus riches et les plus pauvres. L’écart au même âge est de 5,4 ans pour les femmes.

Cette analyse de l’INSEE fait dire à certains économistes comme Thomas Piketty que « si un salarié modeste passe dix ans à la retraite alors qu’un super cadre en passe vingt », alors on peut dire qu’ « une large part des cotisations du premier sert en pratique à financer la retraite du second ».

Comme on le voit, le problème des retraites n’est pas qu’un problème de financement des régimes. C’est aussi, et avant tout, un problème de société, et donc un problème politique, dans le sens de « vers quelle société voulons-nous aller ». Et deux visions s’affrontent, celle libérale qui, sous couvert de liberté entend laisser courir les inégalités, et celle, plus solidaire, qui défend l’idée qu’un système de protection sociale doit avant tout corriger les inégalités de la société, même durant la période de retraite.

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