Alors de la réforme des retraites repousse l’âge de départ à la retraite, on constate aujourd’hui qu’un assuré sur deux n’est plus en emploi au moment de liquider ses droits. Comment expliquer faire travailler plus longtemps des futurs retraités qui ne travaillent déjà plus ?
La logique aberrante du gouvernement.
Le gouvernement avance que le recul de l’âge légal de départ à la retraite est le moyen le plus efficace de garantir l’emploi des seniors, qui, parce qu’ils devront partir à la retraite plus tard, devraient conserver leur emploi plus longtemps. Un effet « mécanique», selon les mots de la Première ministre.
C’est oublier que les seniors subissent le marché de l’emploi et qu’ils sont difficilement acteurs. Ils n’ont pas de prise sur la volonté des entreprises de se séparer ou de ne pas embaucher des salariés seniors jugés moins « compétitifs », plus chers en frais de personnel à cause de leur ancienneté ou moins « rentables » sur le long terme car proches de la retraite.
Et le constat est accablant.
Un candidat âgé de 48 à 50 ans a trois fois moins de chances que le candidat de référence d’obtenir un entretien d’embauche, quels que soient sa catégorie professionnelle, le secteur d’activité, la taille de l’entreprise ou le bassin d’emploi.
Les salariés de 50 à 54 ans ont cinq fois moins de chances d’accéder à la formation professionnelle que les 25-29 ans.
Le taux du chômage des plus de 50 ans est largement supérieur à la moyenne.
Le taux d’emploi des 55-64 ans en France est un des plus bas de l’Union européenne, il est de 56 %. L’âge médian de sortie du marché du travail reste stabilisé à 58 ans malgré la réforme des retraites en 2003.
La proportion de séniors en emploi s’accroit avec le niveau de diplôme. La proportion des embauches en CDD est supérieure à celle constatée pour les autres classes d’âge. Le travail à temps partiel est plus répandu chez les séniors.
Seul un sénior sur trois de 60 à 64 ans est en activité au moment de partir en retraite.
De fausses économies.
Si repousser l’âge de départ à la retraite diminue la durée de versement de la pension et permet, en théorie, de faire des économies, d’autres dépenses sociales vont, en revanche, augmenter.
Le senior qui n’est plus en activité, s’il est indemnisé, est soit au chômage, soit en invalidité, soit bénéficiaire de minima sociaux
En revanche, plus de déficit si on améliore le taux d’activité des seniors.
Une hausse de dix points du taux d’emploi des 55-64 ans permettrait “d’équilibrer les comptes” du système de retraites d’ici 2032, sans toucher à l’âge légal ni à la durée de cotisation.
Pour combler un déficit estimé à 5 milliards d’euros en 2032, mais aussi et surtout les 30 milliards payés par l’Etat pour les régimes spéciaux et les retraites des fonctionnaires, il faudrait augmenter le taux d’emploi des seniors “de dix points”, de 56% à 66%.
C’est pourquoi la CFDT défend ainsi l’instauration d’un dialogue social spécifique sur l’emploi et le travail des senior·es, dans les branches et les entreprises, avec obligation de négocier.
Le constat est aujourd’hui sans appel : en ne reposant que sur la bonne volonté de quelques entreprises, ce sujet n’avance pas, et ce n’est pas la création d’un simple « index » affichant les taux d’emploi des seniors dans les entreprises qui inversera la tendance.
Nous avons donc besoin d’un cadre contraignant. C’est pourquoi la CFDT revendique que les entreprises concluant un accord bénéficieraient d’aides financières, les autres seraient, à terme, sanctionnées par une amende. Un tel dispositif permettrait alors d’éviter que seuls les salarié·es de grands groupes bénéficient de mesures spécifiques aux senior·es.
La CFDT revendique également la mise en place d’un « rendez-vous professionnel à 45 ans » systématique, appuyé par le Conseil en évolution professionnel. Cet entretien servirait à prévenir l’usure professionnelle, ou encore, à trouver une formation et pourrait conduire à réaliser un bilan de compétences financé.
La CFDT n’oublie pas non plus celles et ceux qui, à l’approche de la retraite, ne sont plus en emploi. Pour les demandeurs et demandeuses d’emploi de longue durée de plus de 50 ans, la CFDT revendique un accompagnement renforcé et personnalisé, sur le modèle de l’expérimentation menée avec les partenaires sociaux par le Conseil régional de Normandie, impliquant l’engagement des entreprises du territoire.
Ce que la CFDT revendique pour les fins de carrières.
Ne plus être en activité du jour au lendemain est, pour beaucoup de travailleurs et travailleuses, un changement brutal. Pour la CFDT, plutôt qu’une rupture, le passage à la retraite peut être organisé pour devenir une transition progressive.
Aménager son temps de travail en fin de carrière avec plus de liberté, c’est une question de bien-être, y compris au travail. Des dispositifs existent et nécessitent d’être renforcés.
Par exemple : la retraite progressive, pour laquelle la CFDT revendique l’extension aux fonctions publiques, ou du temps partiel avec maintien en partie du niveau de rémunération pour les senior·es. Et si la CFDT a toujours été défavorable à une mesure d’âge uniforme, c’est qu’au-delà d’être injuste, elle ne laisse pas le choix du moment du départ à la retraite.
Enfin, la CFDT revendique la création d’un Compte épargne temps universel (Cetu), qui consisterait en un aménagement du temps de travail tout au long de la vie professionnelle, en fonction des temps de vie, et pourrait ainsi concerner la fin de carrière (pour aménager un temps partiel ou un départ en retraite anticipé par exemple).