Au 1er janvier 2019, la réforme des retraites complémentaires des salariés du privé, décidée par un accord des partenaires sociaux en octobre 2015, entrera pleinement en vigueur. Création d’un coefficient de solidarité, fusion AGIRC ARRCO, modifications de cotisations, fin de la GMP…
Premier changement : la création d’un coefficient de solidarité.
Concrètement, une personne qui souhaite partir à la retraite au moment où elle atteint l’âge du taux plein subira une amputation de 10 % de sa pension complémentaire pendant trois ans. Si elle décide de prolonger son activité un an, cette mesure s’annule. Enfin, si elle prolonge de deux ans, elle verra sa pension bonifiée de 10 % pendant un an, 20 % si elle prolonge trois ans. Les futurs retraités très modestes susceptibles de bénéficier d’une exonération de CSG ou d’une CSG à taux réduit ne sont pas concernés par cette mesure, ni les retraités handicapés (50 % d’incapacité) ou ceux qui ont des enfants handicapés à charge.
Ce coefficient a été mis en place pour faire face à l’impasse financière dans laquelle risquaient de se retrouver les régimes à court terme avec l’arrivée massive des baby-boomers.
Pour la CFDT, ce mécanisme mis en place en vue de faire face à l’urgence n’a pas vocation à durer dans le temps. Il sera sans nul doute au cœur des prochaines discussions qui devraient se tenir en fin d’année. Car, la situation financière des régimes s’est améliorée.
Mais les discussions à venir ne devraient pas se limiter au coefficient de solidarité. En 2015, les entreprises comme les actifs et les retraités ont été mis à contribution. L’idée aujourd’hui pour la CFDT, en accord avec les autres organisations syndicales signataires du texte de l’époque (CFTC et CFE-CGC), est de renégocier un nouvel accord avec le patronat. « En matière de retraites complémentaires, nous avons toujours eu une attitude responsable et pragmatique, résume Frédéric Sève. Lorsque la crise économique associée à un déséquilibre démographique a nécessité des mesures difficiles, nous n’avons pas eu peur de prendre nos responsabilités. Aujourd’hui, alors que la situation économique s’améliore, nous sommes tout aussi déterminés à obtenir un juste retour des efforts consentis. »
Second changement important : l’Agirc (complémentaire des cadres) va fusionner avec l’Arrco (ensemble des salariés).
Cette fusion constitue l’aboutissement d’un travail mené depuis des années par les partenaires sociaux pour unifier les règles des deux régimes afin de faciliter la gouvernance du système et renforcer sa solidité financière. Le nouveau système, baptisé Agirc-Arrco, prévoit les mêmes règles pour tous les salariés du privé, quel que soit leur statut. Cela concerne 18 millions d’actifs, 12 millions de retraités et représente au total près d’un quart du montant des retraites versé en France, soit 75 milliards d’euros d’allocations. À noter que les retraites complémentaires représentent en moyenne 30 % de la pension d’un ouvrier contre 55 % de celle d’un cadre.
Le statut des cadres
La fusion Agirc-Arrco au 1er janvier 2019 impactera inévitablement le statut des cadres. Et pour cause, la notion d’encadrement – qui n’est pas définie dans le Code du travail – repose jusqu’à présent sur la convention fondatrice de l’Agirc datant de 1947. Lors des négociations de 2015 sur les retraites complémentaires (qui ont entériné le principe de fusion de l’Agirc et de l’Arrco), les partenaires sociaux s’étaient mis d’accord pour ouvrir une négociation nationale afin de redéfinir la notion d’encadrement. Des discussions ont bien été entamées à la fin 2017, mais sont finalement restées en suspens, le Medef n’étant manifestement pas pressé de se mettre au travail.
« Les discussions devraient reprendre d’ici à la fin de l’année », espère le secrétaire général de la CFDT-Cadres, Laurent Mahieu. Première organisation syndicale dans l’encadrement, la CFDT espère convaincre le patronat de mener à son terme la négociation et faire ainsi avancer le dossier. Et souhaite saisir l’opportunité de ce rendez-vous paritaire pour réviser la convention de 1947 et moderniser l’accord de 1983. « Les parcours professionnels des cadres ont bien changé depuis cinquante ans : les carrières sont plus fragmentées, les jeunes diplômés éprouvent des difficultés à accéder au statut de cadre et les seniors à se maintenir en emploi. C’est pourquoi il est important de redéfinir les missions des cadres à l’échelle nationale, insiste Laurent Mahieu. À partir de cette définition commune, les particularités et spécificités professionnelles pourraient faire l’objet, dans un second temps, de négociations de branches. »
La CFDT espère également associer à cette nouvelle définition de l’encadrement des droits spécifiques comme la garantie d’une marge de manœuvre dans les décisions prises au sein des entreprises, un droit d’expression, un droit d’alerte, un droit de retrait, un droit à la démission légitime. À défaut d’accord d’ici au 31 décembre 2018, les dispositions de la convention de 1947 continueront de s’appliquer. La notion d’encadrement ne disparaîtrait donc pas, même si, déplore la CFDT, « continuer à définir la fonction de cadre uniquement via les cotisations spécifiques (Apec, prévoyance) serait extrêmement réducteur et ne tiendrait pas compte de la réalité de la fonction ».
Les cotisations
Les cotisations de retraite complémentaire seront calculées sur deux tranches pour tous les salariés, cadres ou non-cadres. La première tranche correspond au plafond de sécurité sociale, la seconde tranche touche toutes les sommes supérieures au plafond de sécurité sociale, jusqu’à 8 plafonds de sécurité sociale. La tranche C des cadres disparaît et la tranche 2 des non-cadres n’est plus limitée à 3 plafonds de sécurité sociale.
Fin de la GMP
Comme son nom l’indique, la GMP (garantie minimale de points) 2018 permet de garantir l’acquisition de points de retraite complémentaire, sur une année, pour les salariés cadres et assimilés dont le revenu ne dépasse pas un certain seuil de salaire dit « charnière ».
Actuellement, les cadres ou les AM dont le salaire est inférieur ou légèrement supérieur au PMSS (3.664,82 euros bruts par mois en 2018) bénéficient d’une garantie minimale des points (GMP). La GMP permet, via une cotisation forfaitaire, 120 points Agirc par an pour un temps complet (au prorata pour un temps partiel).
Plus de GMP, mais une CEG
La GMP sera supprimée. En revanche, les droits acquis seront préservés. Mais pour financer les pensions actuelles et à venir issues de la GMP jusqu’à leur extinction, une contribution d’équilibre général (CEG) de 2,15% sur la tranche 1 et de 2,70% sur la tranche 2 va être mise en place. Cette CEG, qui sera également versée par les non-cadres, va aussi remplacer la cotisation pour l’Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF), l’organisme en charge du financement des retraites complémentaires liquidées sans minoration avant 67 ans.
Une CET sur l’ensemble des salaires
Par ailleurs, la contribution exceptionnelle et temporaire (CET) de 0,35%, aujourd’hui payée uniquement par les cadres et destinée à résorber le déficit de l’Agirc, va être transformée en 2019 en contribution d’équilibre technique (CET) également de 0,35%, mais cette fois-ci assujettie à l’ensemble des salariés à compter du premier euro dès lors que la rémunération excède la tranche 2.
Un taux d’appel de cotisation de 125% à 127%.
Enfin, une augmentation des cotisations de retraite proviendra de l’augmentation des taux d’appel qui passent de 125% à 127%. Cette augmentation se fera sans bénéfice de points supplémentaires pour les cotisants.
La répartition entre la part salariale et la part patronale reste fixée à 40/60.
La CFDT AG2R étudie actuellement l’impact des nouvelles cotisations à la fois sur la fiche de paie du salarié, sur les cotisations globales que paie l’entreprise, mais aussi sur les droits du salarié. Ainsi la fin de la GMP pour de nombreux salariés du GIE aura des conséquences…
Lors des négociations annuelles obligatoires, la CFDT entend bien poser les problèmes sur la table.