Lors de la réunion CSE du 29 février, l’index égalité professionnelle pour l’UES AG2R a été présentée. L’examen de la situation comparée des femmes et des hommes montre qu’il n’y a pas de problème de discrimination salariale dans un même emploi entre les femmes et les hommes. En revanche, un problème de promotions vers des postes à plus hautes responsabilité et à plus forte rémunération existe.
L’index égalité est un indicateur qui nous semble peu pertinent.
Il aurait certainement été préférable d’adopter un découpage de l’effectif par classes que par collège d’emploi, puisque nous aurions ainsi pu suivre la progression salariale des femmes. De la même manière, nous jugeons qu’il aurait été préférable de raisonner en termes d’ancienneté et non d’âge, tout comme il aurait été préférable de préciser le montant des augmentations accordées aux femmes. Le choix des groupes d’âge (et non pas d’ancienneté) occulte les inégalités dues aux retards de carrière des femmes, telles que par exemple l’inégale durée d’accès aux échelons supérieurs du fait de congés maternité, congés parentaux ou de temps partiels. Une autre critique concerne la mesure des écarts de rémunération. Seul le pourcentage des personnes concernées est évalué, alors que le montant de ces augmentations n’est pas pris en compte. Le niveau de revalorisation des salaires est, de son côté, purement exclu du calcul. Par exemple, un employeur qui augmenterait toutes ses salariées de retour de congé maternité d’un montant équivalent à 1 euro obtiendrait l’ensemble des points soit 15/15.
Nous regrettons que le rapport de situations comparées, qui nous semble plus riche que l’index égalité, ne nous soit pas présenté en même temps pour nous permettre d’avoir une analyse plus pertinente.
Si nous examinons l’égalité hommes/femmes dans le groupe à la lumière des précédents rapports et des récentes négociations d’un accord, nous pouvons faire les constats suivants :
- L’examen de la situation comparée des femmes et des hommes montre qu’il n’y a pas de problème de discrimination salariale dans un même emploi entre les femmes et les hommes. En revanche, un problème de promotions vers des postes à plus hautes responsabilité et à plus forte rémunération existe et est occulté par l’index égalité. Ainsi en 2022, alors que la catégorie des employés contient 81% de femmes, et qu’elles sont encore 78% dans la catégorie AM, elles ne sont plus que 49% dans la catégorie cadre.
- La problématique d’accès aux postes de managers, notamment de direction, qui est rendu difficile pour les femmes. En effet, alors qu’elles sont à parité avec les hommes dans la classe 6, elles ne sont plus que 44% dans la classe 7 et leur nombre chute à 22% dans la classe 8 ; Cette situation influe sur la rémunération des femmes qui, accédant plus difficilement aux postes à plus hautes responsabilité, atteignent aussi plus péniblement les plus hautes rémunérations.
- L’écart sur les salaires moyens est en faveur des hommes. En effet, leur salaire moyen est de 28 % plus élevé que celui des femmes et leur salaire médian de 26% plus élevé par rapport à celui des femmes. Cet écart se retrouve également dans le versement des primes exceptionnelles, puisqu’il est en 2022 de 51,9% inférieur pour une femme.
- La pénalisation des temps partiels. Le temps partiel est très majoritairement féminin. Ainsi, chez les employés, 28% des femmes sont à temps partiel, contre 10% des hommes, chez les AM, elles sont 21% et les hommes 6%, chez les cadres 15% et les hommes 5%. Quelques chiffres pour illustrer la situation des temps partiels :
- 89 % de l’ensemble de l’effectif ont accès à la formation contre 83% des temps partiels.
- 12 % de l’ensemble de l’effectif ont accès aux promotions, alors que ce taux est ramené à 9 % aux temps partiels.
- 28% de l’ensemble de l’effectif ont eu accès aux augmentations individuelles, contre 17% des temps partiels.
Pour résoudre le problème d’accès aux postes à responsabilité aux femmes, nous pourrions demander que soient imposés des quotas, comme cela a pu être fait pour lutter contre d’autres discriminations, comme cela est fait aujourd’hui dans la constitution des listes de candidats aux élections professionnelles.
Pour la CFDT, cette méthode pourrait faire l’objet d’un effet indésirable et contre-productif : celui de laisser penser qu’une femme aurait pu être favorisée en partie par son genre et non par sa seule compétence.
Alors, pour faire évoluer la situation, nous devrions changer de paradigme.
Car c’est un fait que la discrimination subie par les femmes est aussi un phénomène sociétal.
On peut sans doute en trouver une des causes principales dans la représentation que les entreprises ont du profil d’un manager de direction. Dans une majorité d’entreprises, on demande à un manager de savoir gérer les rapports de force.
AG2R LA MONDIALE n’échappe pas à cette représentation quand on entend régulièrement la devise de notre Direction générale « on ne lâche rien ».
La nature humaine nous pousse naturellement aux biais de similitude dès les phases de recrutements ou d’évolutions, lors desquels nous favoriserons chez un candidat un point de similitude au détriment des autres qui nous ressembleraient moins, nous privant par extension des enrichissements et enseignements distillés de la diversité.
Ce que nous proposons, c’est de changer cette image.Pourquoi ne pas mettre en valeur des qualités comme l’écoute, l’empathie, la bienveillance, le souci de l’accompagnement ? Intensifier nos efforts vers la diversité, puis en parallèle soutenir l’inclusion, et ce pour enrichir tous les étages de notre organisation. Il ne s’agit pas stéréotyper ces valeurs comme exclusivement féminines. Il s’agirait plutôt de considérer que pour accéder à des postes à responsabilité, la diversité valoriserait d’autres compétences et savoir-être dans une démarche vertueuse et stimulante, par conséquent les femmes se rapprocheraient de l’égalité vis-à-vis des hommes.
De plus, ces valeurs sont compatibles avec les missions d’un groupe de protection sociale et elles auraient la vertu de changer radicalement le climat social de l’entreprise.
Alors qu’à la Direction Générale, le mantra est à toute occasion de « ne rien lâcher », la CFDT préfèrerait proposer, dans une démarche qui dépasse notre entreprise, au service de l’intérêt commun et du progrès social, au contraire d’innover, de créer, de transformer.
Pour nous, l’heure n’est plus à la signature de pactes, au respect des réglementations, bien que ce soient des initiatives à saluer qui contribuent à nous faire progresser sur le chemin de l’égalité. Nous avons suffisamment exploité cet index depuis ces dernières années pour constater que s’il nous permet de prendre des positions, il reste imparfait car trop universel, notamment par sa vision tellement macro qu’elle cache aussi bien les atouts que les faiblesses de notre démarche. Alors l’option qui nous paraitrait la plus pertinente serait de créer nos propres outils, afin de devenir précurseurs dans les recrutements impartiaux et favoriser une vision au bénéfice de la diversité, en accordant une attention particulière aux accès et évolutions des femmes notamment aux postes de Directions et d’encadrement, lorsque les candidats ont un profil de compétences proches.
Pour terminer, il semblerait nécessaire de favoriser également les recrutements de femmes à la tête de notre entreprise, par exemplarité. Car comment partager aux salariés, aux managers, aux ressources humaines, l’importance de l’égalité des chances et de la diversité dans notre groupe quand une seule femme compte parmi le groupe des 10 salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations dans l’index 2024 ? En effet, cet indicateur ressort très clairement en notre défaveur, nous pénalisant d’un 0/10 points alors que deux à trois femmes nous permettraient de gagner 5 points, et quatre femmes permettrait d’atteindre la totalité des 10 points.