Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les 4 et 19 octobre 1945, deux ordonnances donnent naissance à la Sécurité sociale française. Soixante-quinze ans plus tard, dans la crise sanitaire actuelle, la « Sécu » fait une nouvelle fois la preuve éclatante de sa pertinence.
Imaginer la France sans sa Sécurité sociale paraît difficile. Pourtant, le régime général tel que nous le connaissons aujourd’hui n’a que 75 ans. Créée au lendemain de la guerre, la Sécu est le fruit d’un compromis historique entre les gaullistes, les communistes et les partenaires sociaux, qui ont su dépasser leurs désaccords afin de couvrir financièrement l’ensemble de la population des principaux risques de l’existence : la santé, la vieillesse, les accidents du travail et la maternité.
Avec comme principe, « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins », ce sont les cotisations des actifs qui financent les prestations sociales et non l’État avec l’impôt. Par conséquent, les représentants des salariés et des patrons participent à la gouvernance du système.
Réforme après réforme, la Sécurité sociale a évolué. En parallèle des versements de revenus de remplacement, activité principale au sortir de la guerre, la Sécurité sociale a développé des services d’accompagnement et se tourne vers la prévention. À côté des prestations uniformes, l’idée de personnalisation et continuité des droits, portée par la CFDT autour du compte social personnel, fait son chemin. L’État joue à présent un rôle plus important dans la gouvernance et une partie des prestations est aujourd’hui financée par l’impôt et encadrée par la loi, mais l’ambition reste : assurer par la solidarité un haut niveau de protection sociale.
Pour ses 75 ans, la Sécurité sociale voit même la création d’une cinquième branche pour couvrir la perte d’autonomie. Preuve s’il en est que le système est capable de s’adapter, en couvrant de nouveaux risques qui n’existaient pas dans ces proportions à la fin de l’année 1945. Dans la même idée, l’allongement du congé paternité, décidé cette année, montre que le système est capable de répondre à des évolutions sociétales.
Plus que jamais indispensable et pertinente, la Sécurité sociale doit toutefois relever des défis structurels. Comment inventer la protection sociale des travailleurs dans un monde où les évolutions d’emploi sont fréquentes et vont du salariat à la fonction publique ou à divers statuts d’indépendants ? Comment inventer la protection sociale au moment des grandes transitions que nous allons connaître et où les risques sanitaires et environnementaux se renforcent ? Comment garantir le financement de ces orientations alors que le consentement à l’impôt, à la cotisation, n’est plus une évidence ? Alors, qu’au prix de beaucoup d’efforts, le système était parvenu à retrouver un équilibre entre recettes et dépenses ces dernières années, la crise sanitaire et les choix gouvernementaux de gestion de la dette viennent tout remettre en question.
L’année 2020 accuse un déficit de 40 milliards d’euros et le gouvernement table sur un déficit de 20 milliards par an pendant au moins trois ans. De quoi fragiliser l’ensemble du système en donnant des arguments aux opposants à tout système mutualisé et solidaire en matière de protection sociale.
À l’heure où la Sécurité sociale a prouvé par l’exemple son utilité, nous devons dès à présent réfléchir à son avenir ; nous assurer qu’elle disposera des financements nécessaires pour répondre à ses missions actuelles et futures.
Cet anniversaire marque le début d’une grande histoire, à laquelle la CFDT compte bien contribuer.